L’anthropologie peut-elle résoudre la crise écologique ?

7 Fév, 2019 | PHILOSOPHIE

En décembre 2018, Gilles Hériard Dubreuil, co-initiateur du CEH, a été invité par l’Ircom – école à Angers qui dispense trois formations : une licence de lettres et sciences politiques, un master communication et un master humanitaire et social – pour une conférence sur l’écologie humaine. 

Gilles Hériard Dubreuil : “On ne peut pas aborder les questions écologiques aujourd’hui si on ne creuse pas ce qui est à l’origine de la crise écologique actuelle : une anthropologie qui est celle de la modernité, du développement industriel, du libéralisme, de l’hyper-individualisme. C’est parce qu’avec la modernité, l’homme s’est séparé de la nature, parce qu’il s’est mis dans une logique égoïste ne voulant pas prendre cette charge de la nature en commun que nous sommes arrivés à la situation d’aujourd’hui. Il faut sortir de ce qui est l’essence de cette modernité – la séparation entre l’homme et la nature – pour pouvoir appréhender l’écologie différemment.”

 

En quoi la modernité peut-elle être une menace pour notre liberté ? 

GHD : “Nous ne sommes pas libres mais imprégnés de culpabilité vis-à-vis de notre mode de développement qui ravage la nature. Nous sommes pris dans une vision de la liberté et dans une vision de la nature qui sont historiquement datées et obsolètes.

Il faut repartir d’une autre compréhension de ce qu’est la relation de l’homme avec le milieu vivant, de ce qu’est l’homme lui-même, pour pouvoir accéder à toutes formes de liberté. Si la liberté individualiste en fait partie – il est bon de penser au développement de sa personne – nous avons également accès à d’autres types de liberté : celle, par exemple, qui nous permet de constituer des communs avec d’autres, qui nous permet de nous appuyer sur d’autres, grâce à la confiance et à la société.”

Sortir de la modernité, pour revenir à l’âge de pierre ? 

GHD : “Pas du tout ! Nous avons des techniques à notre dispositions. La question est : à quoi servent ces techniques ? Sont-elles asservies à des dynamiques de profit ou servent-elles l’homme ? Je pense que la modernité n’a pas l’apanage de la technique. Ce qu’il faut, c’est remettre les techniques au service de l’humain et du vivant.”

Pensez-vous que nos sociétés modernes sont dans l’impasse ? 

GHD : “Est-ce que nous sommes comme les passagers d’un avion, à qui l’on vient d’annoncer que les deux moteurs sont en flammes et que nous tombons en piquée vers le sol ? Sommes-nous collés à notre siège, sans pouvoir nous en arracher ? Est-ce que c’est ça notre situation ?

Je ne le pense pas. L’anthropologie nous apporte un message plein d’espérance : il nous est possible de retrouver des interactions harmonieuses et bienveillantes vis-à-vis du monde vivant, il est possible de poser un regard différent sur ce que nous pouvons faire ensemble, pour reconstruire la confiance et frayer un chemin original et apaisé. Seulement, pour ce faire, il faut chercher un chemin d’ex-modernité, reconstruire notre liberté autrement.”

 

Reportage complet sur cette journée du 13 décembre 2018 à l’Ircom

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance