Ouverture au corps

10 Oct, 2017 | Non classé

Notre corps est en mesure de retranscrire nos émotions, nous offre la possibilité de nous ouvrir à l’autre, d’être dans la vérité. Il est bien plus qu’un objet, comme le rappelle ce texte de Cyrille Krebs, responsable de l’alvéole Éducation.

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La complexité de l’homme révèle sa profonde unité. En lui, l’unité substantielle [1] est fondée sur l’ordre de la matière et l’ordre de l’esprit. L’être humain ne se réduit ni à son corps ni à son âme. C’est un esprit incarné. La connaissance de l’homme passe par les sens ainsi que l’avait bien compris Aristote et « c’est pour sa plus grande perfection que l’âme est unie à un corps, et qu’elle comprend par recours aux images fournies par les sens » selon saint Thomas d’Aquin [2]. Si nous voulons étudier, par exemple, le sourire, la parole, les larmes ou le rire, il nous faut traverser l’ensemble des degrés de vie de l’âme humaine. Pour explorer la paternité, il en sera de même. « Dans sa chute, le torrent ne s’étonne pas, et les forêts, silencieuses, descendent au rythme du torrent mais l’homme s’étonne ! Le seuil, que le monde franchit en lui, est le seuil de l’étonnement. [3] » Cet étonnement qui s’exprime en lui, face au réel, nous le percevons dans les regards, les attitudes. Quand nous sourions nous révélons cette unité du corps et de l’esprit. Ce que je vis dans mon corps n’est pas séparé de ce qui se joue en moi spirituellement. Pour illustrer d’une manière très concrète cette unité, je voudrais m’appuyer sur une méditation sur la main de l’homme, réalisée par François Xavier Bellamy [4]. « Notre main s’ajuste au monde », dit-il en citant Heidegger. Nous nous tendons la main chaque jour pour dire très concrètement notre bienveillance. La mère et le père tendent leurs mains vers leur bébé pour le prendre la première fois dans leurs bras. Ouverture à l’autre, « signe et prolongement de l’amitié » et ouverture à la vérité « il faut toucher pour croire, pour voir, discerner… rester au contact du réel » de l’être. Même si certains singes ont la préhension (pouce capable de se rabattre sur les autres phalanges), aucune autre espèce n’a l’équivalent de la main humaine. Elle apparaît comme « le prolongement incarné » de la pensée humaine comme le pensait Aristote. Par elle, l’homme agit, construit, réalise, écrit…

Ce lien indéfectible entre le corps et l’âme transparaît pour le pire également. Pour Karol Wojtyla, c’est parfois le regard qui exprime la pensée désordonnée, « regard prédateur, regard séducteur qui ne respecte pas la liberté du don ». « Une façon d’extorquer son don à l’autre être humain et de le réduire intérieurement à un pur objet pour moi ». « Le regard n’est plus transparent ; ce regard n’est plus un regard de contemplation de la vocation au don signifié par le corps, mais un regard qui change d’orientation et voit désormais l’autre comme un pur objet potentiel de jouissance égoïste » [5]. En raison de cette union substantielle, le corps n’est pas un simple objet, mais en révélant l’intériorité, il dit également la personne et l’orientation de celle-ci à l’amour [6]. La personne « apparaît dans son intériorité propre, comme ce lieu de rencontre et d’unité du matériel et du spirituel, d’unité dans l’ordre de l’être et l’ordre de la subjectivité, dans celui de la liberté et de la vérité »[7].

 

[1] Cette unité substantielle se saisit par l’induction de l’âme à partir des opérations vitales.

[2] Saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia, qu. 89, art. 1, corpus, in fine.

[3] La personne chez Jean Paul II, Bénédicte Mathonat, Tiré de Jean Paul II Héritage et Fécondité, Presses de l’IPC

[4] Intervention à la convention du « Courant pour une écologie humaine ».

[5] Mariage : La révolution de la révolution du corps, Yves Semen, tiré de Jean Paul II héritage et fécondité

[6] La personne chez Jean Paul II, Bénédicte Mathonat, tiré de Jean Paul II héritage et fécondité, p 87

[7] « … le corps est le lieu de l’épiphanie et de la présence intérieure. C’est en lui que se joue en direct la véritable vie de la personne ». L’homme fragile, Samuel Rouvillois, p 93, Ephèse éditions.

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