Quatre règles pour pacifier le débat

11 Mai, 2017 | Non classé

Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, a vécu de nombreux débats, sur un plateau de télévision et sur des scènes lors de forum. Son objectif, toujours, est de rester dans la bienveillance et d’aider à générer une conversation constructive. Voici quatre règles qu’il nous propose pour vivre des débats pacifiés.

Tugdual_Pacifier_Player

 

Tugdual Derville : “La bienveillance est le principe fondateur du Courant pour une écologie humaine. Cette bienveillance se décline dans le débat.

Cette posture du débat bienveillant apparaît comme en opposition avec ce qui s’observe en débat politique et, surtout ces temps derniers, avec ces clivages de plus en plus violents et souvent artificiels. Ces politiques, qui se disent bonjour et se tutoient en off, deviennent extrêmement agressifs en public, sur les plateaux de télévision. On leur a appris à l’être en cours de media training . Ils utilisent cette dialectique qui décrédibilise l’adversaire, qui l’isole, qui l’étouffe. Elle fonctionne comme la dialectique stalinienne où l’adversaire commence par s’auto accuser et finit par être réduit au silence.

Les 4 principes d’un débat bienveillant

Notre éthique est toute autre. Elle s’appuie sur 4 principes fondamentaux, que l’on peut d’ailleurs appliquer lors de nos débats personnels, familiaux ou conjugaux.

1. Ne pas étiqueter l’autre

Le premier principe est de ne pas étiqueter l’autre, de dire qui je suis à la façon de la CNV – communication non violente (je dis “je” et je ne dis pas “tu” qui tue) – et je laisse l’autre dire qui il est. Chacun se définit, dit ce qu’il a envie de révéler de lui-même.

2. Partir d’un terrain d’entente

En second lieu, je vais partir d’un terrain d’entente, de ce qui nous est commun, de notre commune humanité, peut-être, tout simplement.

Je me souviens avoir rencontré dans un train le porte parole de la LGBT. Nous allions débattre ensemble devant un public assez virulent. Nous avons fait le spectacle ensemble. Il y avait une fraternité du fait que nous étions tous les deux exhibés sur les planches. Nous avons donc parlé ensemble et je lui ai rendu hommage pour toute l’énergie qu’il mettait dans sa conviction qui n’était pas la mienne.

Si je conteste une revendication, je peux reconnaître que les mobiles profonds de cette revendication sont intéressants, qu’ils révèlent quelque chose de l’humanité. Par exemple, je suis contre le transhumanisme mais je vois dans ce transhumanisme l’idée de dépasser la mortalité, la fatalité de la vie. Il y a quelque chose d’intéressant à voir.

3. Convenir de nos points de désaccord

Aller honnêtement chercher ce qui nous sépare pour sortir de la confusion.

Je me souviens encore d’un débat, cette fois privé, avec Valérie Pécresse qui était ministre de la Recherche. Elle me disait devant quelques témoins, qu’elle était d’accord avec moi sur l’embryon, qu’elle respectait l’embryon. Comme elle promouvait une technique qui trie les embryons, qui en détruit à peu près 99%, je lui ai répondu : “non, on ne peut pas être d’accord sur l’embryon, il faut chercher le point de désaccord. Vous êtes théoricienne de quelque chose d’autre, puisque je suis pour le respect absolu de tout embryon humain”. Nous nous sommes entendus pour dire qu’elle avait une conception progressive de l’humanité de l’embryon, de sa dignité, en fonction de son développement. C’est très important de s’entendre sur nos désaccords, honnêtement.

4. Aller sur la colline de l’autre

Un quatrième principe, sûrement le plus difficile : il s’agit d’essayer de monter sur la colline de l’autre pour essayer de voir de là où il se trouve comment il perçoit mes propres convictions et peut-être, de mon côté, percevoir différemment les siennes.

Je reprends l’exemple de Nicolas Gougain, porte parole de la LGBT. Quand je regarde comment l’autre perçoit ma posture face à l’homosexualité, je peux peut-être voir qu’il a de bonnes raisons de trouver que je suis trop caricatural ou agressif.

Je me souviens avoir échangé des mails avec des personnes concernées par la transexualité, sur les souffrances liées à leur identité sexuée. Elles m’ont raconté leur souffrance et en allant les rejoindre sur ces souffrances, j’ai pu voir un peu différemment cette réalité très douloureuse. Je n’ai pas changé mes convictions mais en reconnaissant que je devais ajuster mon regard, changer un peu ma conception sur ce sujet.

La vérité qui nous dépasse

Lorsque l’on a appliqué ces 4 principes, alors on peut creuser ensemble le puits de la vérité.

Au fond, notre humanité est faite de telle sorte que la vérité nous dépasse. C’est en creusant ensemble avec d’autres, avec les adversaires aussi, en acceptant de se laisser transformer, de se laisser bousculer, que l’on va approcher une vérité plus profonde que celle que l’on pensait posséder (alors qu’elle ne se possède jamais).

Le point commun à tous ces enjeux est : je ne vais pas considérer l’autre, le débatteur, comme un ennemi  mais comme un ami, un allié. Je vais donc arriver avec un cœur paisible. J’ai remarqué à plusieurs reprises qu’en ayant décidé formellement et m’étant préparé à avoir un cœur paisible, à être dans l’estime et l’admiration pour l’humanité de l’autre, que l’autre avait beau être extrêmement agressif, il se heurtait à un édredon. Quand on cogne dans un édredon, il n’y a pas de guerre, pas de bataille. La violence s’épuise d’elle-même.

Cette posture pacifiée devient pacifiante, elle pacifie le débat. Les retours que j’ai eu de contradicteurs ont été paisibles et fraternels parce que j’avais unilatéralement pris la posture de la paix dans le débat, ce qui ne veut pas dire que j’ai abandonné mes convictions. Elles étaient fermes et exprimées de manière douce et tendre.”

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance