Du capitalisme financier au capitalisme de proximité

3 Juin, 2013 | ECONOMIE, FINANCE

capitalisme proximitéL’écologie humaine propose d’inventer le capitalisme de proximité pour dépasser l’opposition entre le capitalisme financier et la responsabilité sociétale des entreprises.

LE CAPITALISME FAMILIAL DEVENU FINANCIER

Dans un article paru dans les Enjeux des Echos en 2012, l’économiste Michel Aglietta note qu’en 1930: « Le contrôle des entreprises était détenu par des banques commerciales et de grands actionnaires intéressés à la stabilité de l’entreprise […]. Ils savaient que son développement à long terme créait de la valeur dans la durée. »

Mais le capitalisme initialement familial est devenu financier depuis que la vision de l’entreprise a changé en 1970 notamment sous l’impulsion de l’économiste Milton Friedman : « Dans un système de libre entreprise et de propriété privée, […] il est de sa responsabilité (NDLR : celle du dirigeant) de mener l’entreprise selon leur souhait (NDLR : les actionnaires), qui est en général de gagner autant d’argent que possible, tout en se conformant aux règles – lois et éthique – de la société. »

« En perdant le lien émotionnel entre l’actionnaire et l’entreprise, notre capitalisme se suicide à grande vitesse »

Sous l’influence de cette représentation, de la libéralisation de l’économie et de l’automatisation des opérations boursières, les actionnaires ont exigé des entreprises une rentabilité accrue dans des délais de plus en plus courts. La durée de détention moyenne d’une action sur les marchés américains est passée de 7 ans en 1940 à 22 secondes en 2012.

Philippe Bloch, Fondateur de la Franchise Columbus Café, résume cette évolution dans un article paru dans les Echos en mars 2013: « Les patrons occidentaux se sont transformés en producteurs de résultats trimestriels asservis à un actionnariat financier évanescent. En perdant le lien émotionnel entre l’actionnaire et l’entreprise, notre capitalisme se suicide à grande vitesse. »

LA RESPONSABILITE SOCIETALE DES ENTREPRISES

Il est étonnant de noter que c’est à peu près à la même époque (1960) que naît le concept de « responsabilité sociétale des entreprises » ou RSE. La RSE est la déclinaison pour l’entreprise des piliers du développement durable : l’environnement, la société et l’économie. Mais comment l’entreprise pourrait-elle s’occuper de sujets environnementaux ou sociaux alors que ses priorités sont clairement fixées par ses propriétaires, à savoir les actionnaires et qu’elles sont devenues majoritairement économiques ?

En effet, ces problématiques sont souvent contradictoires : décider de minimiser l’impact d’un plan social en conservant des salariés est en contradiction directe avec la rentabilité économique de l’entreprise.

Ensuite, ces problématiques environnementales et sociales sont sources de coûts à court terme pour l’entreprise. Dès qu’elle rencontrera des difficultés, les initiatives « durables » seront supprimées.

Enfin, ces problématiques ne se situent pas sur la même échelle de temps. Les dirigeants d’une entreprise ont le regard fixé sur le cours de bourse de son action qui évolue au jour le jour tandis qu’un changement d’ordre social est à l’échelle d’un temps humain, on parle ici de plusieurs mois.

LE CAPITALISME DE PROXIMITE

Comment résoudre ce paradoxe ? D’un côté les actionnaires soucieux de rentabilité et de l’autre l’environnement de l’entreprise (salariés, collectivités locales, clients, habitants locaux) soucieux de responsabilité sociétale et environnementale ?

« L’écologie humaine voit l’entreprise comme faisant partie d’un écosystème qui lui permet de vivre (clients) et qu’elle fait vivre (salariés, fournisseurs et associations locales) »

Imaginons un instant que l’actionnaire soit issu de cet environnement. Alors, l’actionnaire deviendra soucieux des problématiques environnementales. Supposons encore que cet environnement devienne actionnaire, alors tout en maintenant ses exigences de « durabilité », il sera aussi attentif à la rentabilité de l’entreprise, condition de sa survie.

C’est que l’écologie humaine appelle le capitalisme de proximité.

Si l’entreprise est vue comme une ressource à piller (comme la planète) : les actionnaires veulent en retirer le maximum de dividendes et de plus-values, les fournisseurs être payés plus cher, plus vite, les clients avoir des réductions, les salariés ne pensent qu’à leur augmentation.

L’écologie humaine voit l’entreprise comme faisant partie d’un écosystème qui lui permet de vivre (clients) et qu’elle fait vivre (salariés, fournisseurs et associations locales). Si les équilibres sont rompus, tous les acteurs de la chaîne sont menacés. Si l’écosystème est propriétaire de l’entreprise, cela l’incite à en prendre soin.

LES APPLICATIONS POSSIBLES

Dans le prochain article, nous étudierons les différentes initiatives existantes ou à inventer pour le développement du capitalisme de proximité.

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