Le “service militaire adapté” : une nouvelle chance

9 Jan, 2018 | Non classé

Luc de Revel, Officier des troupes de marine (armée de Terre), a débuté sa carrière militaire en 1980, alternant des postes en unités opérationnelles, en qualité d’états-majors et en administration centrale, il a servi à plusieurs reprises en Afrique et dans le Pacifique. Il dirige le service militaire adapté (SMA) depuis août 2015 et nous appelle à le considérer comme une nouvelle chance.
Cet article est issu du livre Société de Bien Commun, pour changer la donne à hauteur d’homme”.

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L’accès à l’emploi des jeunes est, en France, un échec majeur qui pèse d’un poids parfois insupportable sur la cohésion nationale et la dignité des individus. De l’État qui ne parvient ni à s’attaquer aux causes, ni à orienter suffisamment des politiques publiques efficaces, aux milieux économiques peu enclins à prendre le risque d’embaucher des jeunes, l’éventail des responsabilités est large. En laissant de si nombreux jeunes gens le quitter sans maîtriser les savoirs de base et en ne leur donnant pas les clés nécessaires pour obtenir un premier emploi, notre système éducatif y a une place de choix.

Des banlieues aux villes de province, des campagnes aux territoires d’outre-mer, les jeunes adultes qui sortent de l’école sans plus d’espoir que d’avenir et ne survivent que par des solidarités diverses, sont légions. Notre capacité à redonner du sens à leur vie, à leur permettre de bâtir un projet professionnel et familial est un défi qui relève tout autant de l’intérêt collectif (éviter la dérive d’une population vide d’espérance et la fragmentation de la nation) que du bien commun en permettant à chacun de trouver une place légitime dans la société.
Naturellement, les bonnes volontés ne sont pas absentes de ce champ d’action et il existe de nombreuses initiatives publiques ou privées, de dimension locale ou d’envergure nationale, dans ce domaine. La fondation des Apprentis d’Auteuil ou les Compagnons du devoir comptent parmi celles-ci. L’État y est d’ailleurs présent au travers de dispositifs issus ou inspirés du service national.

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Sous l’autorité du ministère des outre-mer, le service militaire adapté (SMA) a pour mission de former dans un cadre militaire et d’insérer dans la vie professionnelle des volontaires des outre-mer âgés de 18 à 25 ans, sans formation ni emploi. Il accueille annuellement six mille garçons et filles dans ses unités (régiments). Il fonde son action sur l’acquisition de compétences sociales et professionnelles qui visent à renforcer l’employabilité des jeunes. Pour cela, son modèle s’appuie sur une formation globale (apprentissage de la discipline, formation civique, expérience de la collectivité), une formation générale (60 % des volontaires sont sans diplôme et 40 % d’entre eux sont illettrés à l’entrée au SMA) et une formation professionnelle dans des filières offrant, localement, des perspectives d’emploi. Plus des trois-quarts de ceux qui sortent de ces rangs trouvent soit un emploi durable, soit un emploi de transition ou poursuivent une formation de niveau supérieur. Au fil des ans, il est devenu une institution centrale outre-mer, dans l’insertion de la jeunesse en difficulté comme dans le domaine plus vaste de la formation professionnelle.
Son succès a conduit le gouvernement à créer deux dispositifs analogues en Métropole. Les EPIDE (Établissements Publics d’Insertion de la Défense) ont vus le jour en 2005 en réponse à la crise des banlieues. Dorénavant regroupés au sein de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (l’EPIDE), une vingtaine de centres accueillent 3500 jeunes. Le Service militaire volontaire (SMV) a été créé en 2015. Encore en phase expérimentale, il accueille sept cents jeunes dans ses trois centres. Si l’EPIDE est un établissement civil, le SMV est, comme le SMA,  un dispositif militaire.
Les dispositifs sont modestes à l’échelon national et ils le resteront puisque, si le gouvernement décide de l’étendre, le SMV ne pourra concerner que dix à douze milles bénéficiaires. Or, s’il fallait envisager un service militaire volontaire qui aurait le même impact en métropole que ne l’a le SMA en outre-mer (où, en fonction des territoires, il concerne 10  à 20 % d’une classe d’âge), il lui faudrait accueillir près de 120 000 jeunes par an. La cible est trop vaste. Il serait donc illusoire d’en attendre une solution applicable à tous les jeunes sans emploi ni formation. Aussi, seule, l’addition d’initiatives multiples, publiques et privées, peut permettre de faire face au besoin. Certaines existent déjà ; d’autres pourraient être l’œuvre de collectivités locales (les régions sont responsables de la formation professionnelle), de fondations d’entreprises qui pourraient y voir une forme de responsabilité sociale ou de toutes autres personnes morales ou physiques qui l’appréhenderaient comme un moyen au service du bien commun.
L’expérience acquise par le service militaire adapté permet d’identifier quelques éléments essentiels à la réussite de tels projets.
Le premier est de considérer que l’employabilité d’une personne à la recherche d’un premier emploi dépend autant, sinon plus, de son savoir-être que de ses savoir-faire. Tous les chefs d’entreprises qui recrutent des jeunes sortant du SMA affirment rechercher, avant une formation professionnelle encore perfectible, un comportement, une éducation adaptés à l’entreprise. Si au SMA la formation des volontaires se fait dans un cadre militaire, l’apprentissage de la discipline et de la vie en collectivité, valeurs fondamentales du travail en entreprise, n’est pas l’apanage des militaires, même s’ils le cultivent de manière toute particulière.
Un deuxième facteur de succès réside dans la nécessité de ne pas dissocier la formation et l’insertion. Au SMA, les cadres militaires qui accompagnent les jeunes au long de leur formation mettent toute leur énergie dans la recherche de débouchés pour ces mêmes jeunes.  Ils cultivent les milieux économiques et « ratissent » les entreprises des filières de formation professionnelle qu’ils encadrent afin d’aider les volontaires à trouver des patrons et d’être un appui aux entreprises dans leur recherche de salariés.
En troisième lieu, il est indispensable d’adapter les filières de formation au marché local de l’emploi. Ceci passe par une organisation à même d’appréhender les véritables besoins et qui dispose d’une souplesse indispensable à l’évolution de la formation. Une telle action ne peut se faire sans l’implication de tous les partenaires : administration, collectivités, milieux économiques, etc.

Enfin, il faut donner aux jeunes en difficulté les outils indispensables  à la recherche d’un emploi. La lutte contre l’illettrisme, d’abord, qui se traduit au SMA par une formation générale débouchant sur l’obtention du certificat de formation général, premier diplôme de l’éducation nationale et, pour beaucoup, le seul qu’ils obtiendront jamais. Le permis de conduire, ensuite, véritable sésame pour l’emploi mais souvent hors de portée financière pour la plupart.
L’insertion professionnelle des jeunes les plus éloignés de l’emploi est un défi considérable où se mêlent l’intérêt collectif et le bien commun.  Si, outre-mer, l’État s’est attelé à le relever depuis de longues années avec un dispositif militaire, il ne saurait le faire dans l’Hexagone à la même échelle avec des moyens analogues. Aussi est-il inutile de tout attendre de la puissance publique.
Seule, la somme des initiatives, publiques comme privées, parviendra-t-elle à vaincre un cancer qui, directement ou non, mine notre société.
 

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