Penser le travail avec Karl Marx

13 Sep, 2016 | Non classé

En août 2016, Pierre-Yves Gomez, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine et économiste, publiait un nouvel opus aux éditions Nouvelle Cité : penser le travail avec Karl Marx. Dans un collection qu’il a lancé et qui associe dans chaque livre, un thème de réflexion à un auteur pour évaluer si cet auteur peut encore nous aider à penser le thème. Ici donc : le travail  avec Marx. La conception du travail de K. Marx est exposée en sept chapitres courts et illustrés de citations, depuis sa vision humaniste d’un travail libérateur jusqu’aux perspectives d’une société communiste dans laquelle l’homme était supposé être libéré des contraintes du profit. Pierre-Yves décortique cette pensée stimulante et met en évidence ses limites et notamment la bifurcation matérialiste qui la condamne dans une voie sans issue. A lire si on veut comprendre une des pensées les plus influentes sur le 20ème siècle.

 

travailaveckarlmarx_articleCi-dessous, un florilège de citations, pour vous donner envie d’en savoir plus !

“La division et le contrôle du travail par les capitalistes produisent à la fois l’aliénation et la lutte du prolétariat pour s’en émanciper. L’affrontement de ces deux classes est donc le moteur de l’Histoire moderne : en dépendent l’évolution des salaires, l’amélioration ou la dégradation des conditions de travail, la recherche de nouvelles mains d’œuvre disciplinées, jadis dans les colonies, aujourd’hui dans les pays émergents, l’innovation technologique pour concurrencer le travailleur ou encore la puissance des actionnaires – donc la paix ou la guerre sociale, la marchandisation des hommes ou leur liberté.” (p.4)

“Marx vit donc pauvre parmi des pauvres et cela lui donne une espèce de rage pour dénoncer et combattre les causes de la misère. Il veut le faire avec ses moyens, qui sont intellectuels, ceux d’un philosophe devenu économiste pour décortiquer le système capitaliste et ses contradictions, pour en chercher le point faible, le point mortel” (p.5)

“La division du travail fractionne le processus de fabrication d’un même objet réparti entre plusieurs travailleurs ; elle scinde aussi le sens et le geste quand ce n’est plus nécessairement la même personne qui définit l’intention du travail et qui en assume la réalisation. Qui détient le pouvoir de donner sens au travail, détient tout pouvoir. Ainsi, d’un côté le maître qui ordonne, de l’autre l’esclave qui accomplit. D’un côté le seigneur, de l’autre le serf. D’un côté le patron, de l’autre l’ouvrier. D’un côté le travail intellectuel du savant, de l’autre le travail manuel de l’exécutant. L’unité première, physique et spirituelle, entre l’acte et l’intention est brisée. Conséquence sur la vie matérielle : la division du travail change les conditions de l’existence de l’humain qui n’a plus accès au sens et au choix de son travail. ” (p.10)

La propriété des moyens de production est donc la clé de la servitude. Marx lui consacre de longues réflexions sur l’appropriation des outils comme principal enjeu de la guerre et de la paix. De la guerre lorsque les razzias et les tributs à payer permettent aux uns d’accumuler des terres et des esclaves, qui sont autant d’outils de production à faire fructifier. De la paix lorsque l’appareil juridique et les lois permettent à certains de disposer de droits de propriété sur les instruments de travail indispensables aux autres, les contraignant par là même à travailler sous leur contrôle.” (p.11)

“L’industrialisation des activités humaines est la conséquence de la division entre prolétaires et capitalistes, de l’accumulation des moyens de production dans les mains des capitalistes qui imposent aux prolétaires la logique supérieure du rendement de leur capital. L’outil n’est plus au service de la main qui le tient, c’est la main qui doit suivre le rythme de l’outil qui s’agite.” (p.18)

“Ainsi, l’expérience subjective du travail comme « source de vie » au sens où elle permet de « gagner sa vie » mais aussi d’agir sur son milieu, de le réduire à sa mesure, cette expérience proprement humaine est abolie. Ceux qui contrôlent les entreprises, c’est-à-dire les concepteurs des machines et de l’organisation du travail, les ingénieurs et, plus tard, les managers, utilisent le travail mort pour contrôler le travail vivant. Le paysan, le forgeron ou le tailleur de pierre répondaient aux nécessités de vivre et souvent de survivre en produisant ce qui était suffisant à la demande. L’ouvrier produit ce qu’exige l’usage des technologies et plus celles-ci sont puissantes, plus elles permettent de produire des quantités qu’il faut écouler, plus le travail doit se soumettre à ce flux. C’est la servitude dans la profusion.” (p.19)

“Une objection vient ici à l’esprit. Certes, l’homme moderne est soumis à la machine. Certes il permet au capitaliste de s’enrichir toujours plus. Mais la perte de sa liberté est peut-être compensée par un bien plus grand dont il bénéficie finalement : moins de pénibilité, plus de confort, plus de temps libre. Nous allons voir que, pour Marx, un tel espoir est vain.” (p.23)

“La division du travail et sa déconnection avec le capital, c’est-à-dire la déshumanisation du travail au sens où il a perdu sa dimension existentielle, signe la disparition de l’humain dans l’économie au bénéfice de la marchandise devenue centrale. Dépossédant les hommes de la maîtrise de leur travail, le capitalisme dénature ainsi toute la vie en société. Le progrès des richesses ne doit pas faire illusion. On produit davantage, on consomme davantage, mais on ne consomme pas ce que l’on produit soi-même. Travail, production, investissement, consommation, tout est déconnecté et tourne à plein régime, dans une logique folle qui emporte le monde.” (p.29)

“Le travail patient de Marx pour déconstruire la société moderne capitaliste mérite plus qu’une attention de spécialistes. Il aide à comprendre notre actualité, l’histoire réelle que nous vivons. Malgré ses difficultés et ses contradictions, il éclaire notre présent : que l’on considère la dynamique et la puissance acquises par la finance ; l’exigence de profit comme ultime perspective pour les entreprises ; le mépris du travail réel des personnes au profit de l’exploitation opportuniste des compétences ; l’enrichissement considérable des uns au détriment des autres ; l’accumulation primitive opérée par les nouveaux milliardaires des pays émergents ; la paupérisation relative dans nos sociétés d’hyperconsommation ; l’aliénation du travail par la digitalisation et la robotisation, etc. Lire Marx apporte des lumières pour comprendre notre monde, même si ce ne sont pas les feux éblouissants de l’illumination qu’espéraient ses fidèles.” (p.42)

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