Un jardin partagé permacole #Témoignage

11 Fév, 2016 | Non classé

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Dans le cadre du parcours Cap 360°, nous avons approfondi le thème « Cultiver ». Laurent Pétremant, paysagiste de formation, a lancé en 2010 l’association jardins (ou) verts pour la préservation de la biodiversité et la création du lien social entre voisins, à Rennes. Dans ce cadre, il a notamment implémenté un jardin partagé permacole. Un témoignage riche en enseignements…

En 2012, découvrant le mouvement des villes en transition, je lance à Rennes la première opération « incroyable comestible », des légumes à partager. Ce projet suscite une forte mobilisation. C’est ainsi que je propose aux habitants de ce quartier de lancer un jardin partagé conçu selon la méthode de « design » de la permaculture.  En janvier 2014, la ville de Rennes attribue à l’association une parcelle de 1200 m² dans un parc à proximité du lieu de vie des volontaires.

Comme dit le Pape François : « tout est lié ». C’est ce que j’ai découvert en m’intéressant à l’écologie. Dans notre monde cartésien, nous avons pris l’habitude de décortiquer, de séparer les choses pour les analyser, ce qui est bien. Mais nous avons oublié que tout fonctionne en interaction, en interrelation. Il s’agit donc d’aborder la vie, la nature, l’homme dans sa globalité sans omettre que chaque espèce joue un rôle dans l’écosystème. Si une espèce vient à manquer ou si elle se trouve en excès, c’est que l’écosystème est déstructuré. C’est comme si un tissu était privé de mailles. Le tissu serait fragilisé. Si vous avez trop de limaces ou d’escargots dans votre jardin potager, vous aurez du mal à manger une salade. Il nous faut donc collaborer avec la nature, en acceptant sa complexité pour recréer des écosystèmes fonctionnels, source d’abondance et comprendre pourquoi nous avons des dysfonctionnements.

 

Et si nous cessions de vouloir tout maîtriser et apprenions à observer et accueillir ce que sait faire la nature pour la comprendre ?

En effet, la nature est généreuse et créée de l’abondance. C’est ce que j’ai découvert en découvrant la permaculture. S’intéresser à la permaculture, (Mot venant d’agriculture permanente puis de culture permanente), c’est comprendre le fonctionnement de la nature et collaborer avec elle pour créer des systèmes fonctionnels où chacun est à sa bonne place et s’y épanoui.

Sur le terrain qui nous a été attribué, le jardin partagé permacole prend forme. Après une période de formation et d’observation pour établir le design du terrain, nous commençons à le transformer en jardin vivrier, conçu comme un écosystème. Ce jardin comprendra un espace de multiplication avec petite serre semi-enterrée, un espace d’accueil, de communication, un potager sur buttes et planches, une forêt comestible, un rucher, une mare, un verger, une friche et, nous espérons bientôt, un poulailler.

Dans le quartier, le projet suscite de l’intérêt et de la curiosité. Il nous faut apprendre à ne pas brûler les étapes afin que le projet soit compris et accepté. Au début, nous avons subi un peu de dégradation par des jeunes. Pour une meilleure acceptation, des panneaux explicatifs présents sur le terrain expliquent les éléments que nous mettons en place. (La spirale à aromatique, la forêt jardin, la baissière).

Et nous avons la joie de voir grossir le groupe constitué. Une vingtaine de fidèles jardiniers viennent chaque samedi matin et nous essayons d’ouvrir sur d’autres jours. Ma plus grande joie est de voir les membres s’investir et prendre des initiatives.

Ce qui attire au jardin est la découverte de la permaculture, la bonne humeur dans laquelle se déroule le projet, les liens intergénérationnels qui se créent, le souhait de manger des légumes sains, l’acquisition d’une certaine autonomie alimentaire.

Le voisinage participe à sa façon en venant recycler ses divers déchets verts dans 4 bacs d’apport. Chaque type de déchet devient une ressource qui trouve différents usages. Épluchures de cuisine, tonte de pelouse, feuilles, taille de haie, branche d’arbre, sciure du lapin nain, coquillage, coquilles d’œufs, carapace de crabe, cendre de cheminée, palettes, cartons. Ces diverses ressources nous permettent de fabriquer un compost riche pour les besoins des différentes cultures, car nous partons d’une terre pauvre et compactée. C’est ainsi que nous voyons apparaître des taupes dans le jardin qui viennent nous aider à travailler le sol.

Des partenariats avec des commerces du quartier se créent (un supermarché, un restaurant) afin de recycler des déchets en compost.

Les jardiniers de la ville nous déposent aussi les feuilles en automne. C’est toujours cela en moins à exporter au loin sur des plateformes de compostage.

Ce type de projet suscite des projets personnels chez les membres de l’association, notamment la volonté de concevoir son propre jardin permacole avec un retour à la campagne.

Ce projet permet la création d’un réseau de permaculteurs sur le département, avec souhait d’échanges et de transmissions de savoirs et rencontres ponctuelles dans un premier temps. Nous espérons que ce réseau permettra de déboucher sur la création d’un centre de formation et d’expérimentation de la permaculture.

Actuellement, les villes voient leurs surfaces d’espaces verts augmenter avec un effectif de jardinier constant, voire en baisse. Il me semble qu’une solution d’avenir serait que les villes contractualisent avec les habitants afin qu’ils puissent entretenir des surfaces dont la gestion ne serait plus à assurer. Les jardins partagés ne représentant pas des surfaces énormes, je suggère que soit plantées sur l’espace public des forêts comestibles, concept à part entière de la permaculture. Forêts comestibles qui nécessitent des surfaces plus importantes qu’un jardin partagé.

Cependant, ce type de projet doit être accompagné par des personnes formées. Il s’agit donc de lancer des formations, car beaucoup de gens partent d’un savoir-faire minime. C’est ainsi que des stages au design vont être organisés par l’association Jardins (ou) Verts.

 

Que pouvons-nous faire à notre niveau ?

En ville nous avons pris des habitudes de riche en faisant évacuer nos déchets verts par les services d’ordures ménagères. Ceci est une grave erreur car, d’une part, nous appauvrissons nos sols en matière organique. Ceci a un impact direct sur la vie du sol. Il ne faut pas l’oublier, le sol est un écosystème à part entière. Labourer, bécher le sol, c’est déstructurer cet écosystème. La matière organique est la base de la fertilité et de la rétention en eau des sols. Avoir de la matière organique dans et sur le sol, c’est aussi capter du carbone qui ne sera pas largué dans l’atmosphère. En gardant nos déchets verts sur notre parcelle, nous participons à la régulation des microclimats en ville et atténuons l’îlot de chaleur urbain.

La permaculture m’a fait découvrir comment recycler tout cette énergie accumulée dans ce que nous nommons “déchets”, mais que nous devrions appeler “ressources”.

Voilà par quoi il nous faut commencer si nous voulons respecter notre maison commune.

Concevoir la ville comme un écosystème serait une autre étape pour rendre nos villes résilientes et capables de faire face aux enjeux du réchauffement climatique.

Actuellement, nos villes sont des systèmes artificiels qui n’ont aucune autonomie. Je qualifie nos villes de “systèmes égoïstes” car elles font appel aux ressources de territoires parfois lointains, mais que redonnent-elles de bon à ces territoires ?

C’est une grande évolution des mentalités, de notre regard sur le monde dont a besoin notre société pour changer le modèle économique actuel à bout de souffle. Il nous faut relever ce défi qui passe, entre autre, par l’apprentissage de l’agriculture vivrière et par la permaculture pour comprendre notre lien de communion avec la nature et gagner en liberté.

 

>> Cultiver : la vidéo à voir et revoir !

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