Vous avez dit « humanisation » ? #CHRONIQUEDUMYCELIUM

18 Nov, 2017 | Non classé

Gérard Langlois Meurinne*, psychiatre et psychothérapeute et membre du Courant pour une écologie humaine, propose une réflexion mensuelle sur l’écologie humaine, intitulée « chronique du Mycelium »**.  Le chronique ci-dessous engage à s’humaniser toujours plus.

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Depuis bientôt trois ans, je dis à mes amis qui m’interrogent sur le Courant pour une écologie humaine qu’il s’agit d’un « réseau d’humanisation » de la société. Qu’est-ce à dire ? Et en quoi une société a-t- elle besoin d’être humanisée ?

On peut aujourd’hui affirmer : toute personne est appelée à s’humaniser. En effet, bien qu’étant déjà très « humains » dès notre conception, nous sommes cependant des êtres incomplets et donc « en devenir », c’est-à- dire appelés par notre dynamisme de vie à faire émerger nos potentialités… et ceci durant toute notre vie. L’expérience montre aussi que c’est le même chemin de « croissance personnelle » qui nous conduit à exprimer notre unicité et à vivre notre « commune humanité ». Ce processus de croissance appelle à l’émergence d’un « plus humain », qui est là, en attente dans le monde intérieur de chacun de nous et qui a besoin d’être actualisé. Le faire est essentiel pour nous-mêmes et nous rend heureux. Nous sentons aussi que c’est essentiel pour nos proches. Mais ne serait-ce pas essentiel aussi pour la société et pour l’humanité dans son ensemble que nous apportions notre « couleur unique » à la construction/reconstruction du monde ? N’oublions pas que les courants modernes de la psychologie (les psychologies humanistes et la psychologie positive) montrent bien que la croissance humaine est ouverture sur un altruisme naturel plutôt que fermeture sur un repli narcissique. Bien sûr, nous rencontrons tous des limites à nous accomplir sur ce chemin de croissance car notre dynamisme de vie est aussi en butte à des dysfonctionnements acquis et des blessures personnelles sans compter un environnement qui n’est pas toujours favorable. Chaque vie humaine est ainsi toujours une nouvelle aventure d’humanisation personnelle.

MAIS PEUT-ON PARLER D’HUMANISATION COLLECTIVE ?

Depuis longtemps on a observé qu’allaient de pair bonheur personnel et mieux vivre pour les groupes humains. Ainsi, dans la Chine du 6ème siècle avant notre ère, Confucius prônait le perfectionnement humain et voyait dans l’accomplissement de son humanité potentielle la tâche essentielle de chacun, en vue de son bonheur individuel et en même temps du « bien commun » auquel aspire l’humanité. Il y a en effet comme une dynamique et une synergie entre croissance individuelle et croissance collective : chaque individu peut contribuer au mieux vivre collectif, et le collectif peut à son tour favoriser la croissance individuelle en développant une culture de liberté, de respect de la dignité de chacun, de sécurité, d’authenticité, de reconnaissance juste. Bien des chercheurs dans les domaines anthropologiques, philosophiques puis psychologiques ont partagé à leur manière une vision de l’humanité avançant comme une « caravane en marche », depuis la nuit des temps. On peut voir cette caravane comme ayant déjà franchi dans sa très longue histoire certains seuils « évolutifs » : seuil de la parole puis du langage intérieur puis seuil de la lecture et de l’écriture. Et aujourd’hui, l’humanité semble en train d’aborder un nouveau seuil, celui de la personnalisation, au risque parfois de l’individualisme, qui en est une déformation. C’est bien le processus d’humanisation qui est à l’œuvre et se poursuit.

FAISONS UN ZOOM SUR LA PÉRIODE ACTUELLE

Notre époque est caractérisée par une crise de sens qui est une « crise de croissance » (comme il en existe chez les individus) survenant au cours de la longue marche de l’humanité vers l’émancipation par rapport aux institutions, aux idéologies et même aux religions. Du coup, nos sociétés cherchent un nouveau souffle, demandant de nouvelles réponses. Et cette crise est particulière car marquée par de forts doutes de l’humanité envers elle-même.
J’opposais schématiquement deux types de courants (image des courants marins) traversant nos sociétés :

(a) D’un côté des “courants visibles et souvent dominants“, présents dans les discours médiatique et public. Ils sont caractérisés par une forte perte de confiance dans un possible renouveau « humaniste » adapté à notre époque. Portés par les excès de l’individualisme, ces courants débouchent sur trois tentations :

1) la tentation de rester aliéné de façon passive à un modèle de développement prônant toujours plus de production et de consommation,
2) la tentation libertaire de se laisser séduire par l’invention d’un “homme nouveau” qui s’affranchirait de sa nature, et enfin,
3) la tentation transhumaniste proposant le rêve de surpuissance d’un « homme augmenté ». Céder à ces « tentations » c’est prendre le risque d’une vie qui orgueilleusement cherche à se passer d’appartenance et d’enracinement, qui n’accepte pas ses limites, en se « mettant à distance » de nos liens à la transcendance, à la communauté humaine et à la nature.

(b) De l’autre côté, des  “courants moins visibles mais profonds“, qui gardent leur foi dans un nouveau projet humaniste, dans la ligne d’un puissant mouvement évolutif d’individuation et de personnalisation : caractérisé par l’émergence de plus de conscience et de responsabilité, plus de solidarité et de fraternité. Il s’agit alors d’opter pour une vie « reliée », avec un lien à une transcendance sans qu’il soit écrasant, un lien aux autres qui laisse libre et un nouveau lien avec la nature qui sera plus une alliance qu’une domination.

La voie tracée par ces courants profonds est donc celle de la foi en un “plus d’humanisation” possible. Ce pari humaniste est une aventure à vivre, individuelle et collective.

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Je vous invite à vous demander si cette vision vous parle et si oui, vers quoi elle vous appelle. Chers lecteurs et lectrices, vous êtes cordialement invités à partager vos réactions et vos questions dans la rubrique « Commentaires » qui suit cette chronique.”

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*Gérard Langlois-Meurinne

Devenu sur le tard psychiatre et psychothérapeute, Gérard Langlois-Meurinne accompagne aujourd’hui des personnes sur leur chemin de croissance personnelle. Cela peut inclure le déploiement de leur fécondité sociétale auquel il est très attentif. Il participe avec bonheur à la vie du Courant pour une Ecologie Humaine qu’il voit comme un réseau prometteur d’humanisation de la société.

Pourquoi cette « Chronique du Mycelium** » ?

Rappelez-vous, vous qui avez sans doute lu « Le temps de l’homme » de Tugdual Derville paru en 2016, Peut-être avez-vous été réceptif à cette image du mycelium, partie invisible et souterraine du champignon, qui survit longtemps quand ce qui est visible a disparu, mais aussi partie qui interagit avec les autres plantes et le sol, qui le régénère, le nourrit, le rend plus fertile. Pour Tugdual, les « acteurs du mycelium » sont dans notre société des porteurs de sens, des faiseurs d’une culture de vie, pas toujours visibles ni reconnus mais qui font leur part et fécondent un terreau d’avenir. Ils agissent « ensemble et reliés les uns aux autres.

Cette chronique offrira quelques réflexions, observations ou invitations à partager entre nous pour entretenir la flamme et éclairer notre vision. Ce sera aussi l’occasion de faire le lien avec d’autres acteurs dans notre société que je vois comme marcheurs en humanité. Chronique d’un temps actuel, souvent inquiétant, temps de changement, voire de mutation : mais aussi temps d’opportunité pour se lever, dire et construire un avenir sans se le laisser dicter.

 

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