Forum 2025 : « Peut-on débattre sans se combattre ? » – tribune de Tugdual Derville

16 Avr, 2025 | L'ÉCOLOGIE HUMAINE, SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN

Le 26 avril 2025 se tient à Compiègne le forum annuel du Courant pour une écologie humaine, sur le thème “Peut-on débattre sans se combattre ?”, en partenariat avec La Croix. Tugdual Derville, co-initiateur du Courant, propose une réflexion sur le sujet.

Jeux de rôle : il y a la scène et il y a derrière la scène

Pour prendre soin d’une société, mieux vaut soigner ses débats. Or, les règles non écrites des joutes partisanes nous affligent. Leurs débatteurs aguerris agitent une panoplie d’armes, brutales ou subtiles, acérées voire cruelles : réponses toutes faites, éléments de langage, flèches à décocher. Verbales ou non verbales, elles ont un même objectif, enseigné dans les cours de dialectique : réduire l’opposant au silence.

Ces jeux du cirque sont des jeux de rôles. S’il savait ce qui se passe en coulisses, le téléspectateur s’étonnerait des relations entre débatteurs, avant l’exercice de style qu’est le combat – pardon, le débat. On se salue, on se tutoie, on s’embrasse. On prend des nouvelles personnelles… avant de s’écharper en direct. Ensuite, on se félicitera d’avoir fait le spectacle, chacun à son poste. La camaraderie n’est pas feinte si on a fait la même école avant d’opter pour des camps opposés.

Alors, comment réussir à débattre ?

Lors de débats sur des sujets de société, ce contraste entre la cordialité en coulisses et les coups bas en direct a pu me surprendre. Juste avant une émission sur l’écologie, un député m’avait chaudement félicité pour la naissance du Courant pour une écologie humaine. Mais en direct, à sa première prise de parole, il se dit « méfiant » devant le concept d’écologie humaine. Il se tourne aussitôt vers moi et murmure hors micro, avec un clin d’œil complice : « Je clive ! » Bienveillance et méfiance : exemple typique de « double contrainte » (ou double bind) manipulatrice et paralysante, qui biaise le débat.

Mais peut-on débattre sans se combattre, sans chercher à décrédibiliser l’autre ? Heureusement oui. Nos sensibilités sont opposées ? Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise ! N’avons-nous pas l’humanité en commun, c’est-à-dire le même attrait pour la vérité et le bien ? Débattre, c’est creuser ensemble le puits de la vérité. Quand des convictions semblent inconciliables, un précieux objectif reste à atteindre : accordons-nous sur nos désaccords. Entre adversaires honnêtes, renonçant à la dialectique manipulatrice, le premier « commun » à chercher, toujours atteignable, est ce désaccord assumé.

Quelques règles à respecter

Un vrai débat suppose une rencontre, qui appelle d’autres règles. D’abord s’interdire d’étiqueter l’autre en prétendant le connaître. S’interdire surtout de savoir par avance ce qu’il pense. Les conflits familiaux, professionnels, politiques s’enveniment à partir de présupposés invérifiables, d’assertions gratuites. C’est à chacun seul qu’il appartient de se présenter, puis – exercice difficile – de visiter son for intérieur pour élaborer sa propre pensée. Comment pourrais-je deviner celle de l’autre alors que la mienne n’est pas si claire ?

Zéro procès d’intention donc. Ensuite, s’écouter vraiment. Seule l’écoute silencieuse, attentive et bienveillante nous garde des clivages artificiels. En reformulant ce qui est dit, l’écoute active aide l’autre à dégager le fond de sa pensée. Pour un esprit droit, la contradiction solidifie même les convictions, comme l’or se vérifie au creuset. Un débatteur à l’avis étayé ne craindra pas de reformuler avec bienveillance les objections ; une conversation en vérité nourrit et affine la pensée.

Déployer une culture démocratique : c’est dans nos mains !

Ces convictions sur la puissance transformatrice du débat sain ont engendré les nouvelles Convers’actions du Courant pour une écologie humaine. Sur des problématiques qui nous concernent tous (comme le gaspillage, la place du numérique ou notre façon d’habiter un territoire), il s’agit de croiser les regards de cinq participants, sur un scénario précis, en suivant quelques règles.

Huit critères d’écologie humaine inspirent ces débats : respect des personnes, réponse à leurs besoins, participation à des communautés de confiance, enracinement dans un territoire, protection des écosystèmes, informations fiables, soutien des institutions publiques et accès à la transcendance. S’étant laissé toucher voire déplacer, chacun pourra faire part d’une décision.

Au lieu de tout attendre du système démocratique, la culture démocratique nous incite à nous saisir des sujets, pour en débattre avec d’autres, quitte à changer notre façon de contribuer au bien commun.
Plutôt que d’assister passivement aux jeux du cirque, il est tellement plus stimulant d’apprendre à mieux débattre pour mieux agir, dans la vraie vie !


Pour en savoir plus sur le forum du Courant pour une écologie humaine, c’est ici !

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