Increvable, la blatte germanique ?

10 Mar, 2022 | NATURE & ENVIRONNEMENT

Il a suffi de quelques espèces de cafards comme elle pour ruiner la réputation de toute une famille d’insectes. Cette discrète petite blatte nocturne est si coriace qu’elle pullule souvent à nos dépens. Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine, nous fait découvrir la blatte germanique.

Se sentant chez vous comme chez lui, maître cafard vous évitera poliment le jour.

Tugdual Derville, co-initiateur du CEH : “La blatte germanique est le plus petit, le plus envahissant et le plus gênant des cafards domestiques vivant en France. Parmi des milliers d’espèces de blattes « sauvages », Blatella germanica fait partie des quatre qui se plaisent dans nos domiciles où elles trouvent le vivre et le couvert.

Se sentant chez vous comme chez lui, maître cafard vous évitera poliment le jour. Fuyant la lumière, il se réfugie dans des recoins minuscules : fentes du parquet, plinthes, faux plafonds et canalisations, derrière les tableaux ou le réfrigérateur, à l’intérieur des moteurs et dans les câbles électriques qui ont contribué à sa prolifération… Sans oublier le garde-manger.

Le petit cafard, couleur brune ou bronze, ne dépasse pas 2 centimètres. D’origine tropicale, il raffole des lieux insalubres, avec une préférence pour les endroits chauds et humides : colonnes de vide-ordure et poubelles. La nuit, quand vous dormez, il se baladera tranquillement dans toutes vos pièces pour s’y nourrir, aussi à l’aise à la verticale qu’à l’horizontale. Les entomologistes louent son sens de l’orientation : à la moindre alerte, il cavale sans hésiter vers sa plus proche cachette, tout en exhalant une sale odeur.

Le cafard est encore plus omnivore que nous : à son menu, miettes, fruit et légumes, viande, gouttes de graisse, sucre et amidon, mais aussi tissus sales, cheveux, carton, papier voire plastique… Et même cadavres de blattes ! Nous pourrions le féliciter de nettoyer derrière lui : hélas, il laisse sur les meubles et les livres de petites traces noires, détériore l’électronique et – surtout – sème sur son passage de méchantes bactéries. La femelle dissémine aussi d’élégantes capsules brunes qui ressemblent à de mini-gélules de médicaments : ce sont ses oothèques, prêtes à éclore. Vous vous demandez peut-être comment l’envahissement rapide d’un domicile est possible. En situation favorable un seul couple de cancrelats – autre nom du cafard – peut engendrer une descendance annuelle de cent mille individus !

Terreur des restaurants, le cafard, dont la famille a survécu à plusieurs extinctions de masse, est réputé increvable. Contrairement à la légende urbaine, il ne résisterait pas à une vraie explosion nucléaire, mais il a été prouvé qu’il survit à des radiations très supérieures à la dose mortelle pour l’homme, comme d’autres insectes, même si les scorpions sont encore plus « radio-résistants ». Grâce à son exosquelette, le cafard résiste aussi à une pression d’écrasement de 900 fois son poids ! On a vérifié qu’une blatte décapitée peut vivre et trotter plusieurs semaines sans tête, même si elle finit – en toute logique – par mourir de faim. Le système nerveux des insectes n’est pas concentré dans leur chef. Il parait que la tête seule peut aussi survivre plusieurs heures, coupée du reste du corps !

Pour être efficace, l’éradication de la blatte domestique doit être totale. Une oothèque oubliée peut tout gâcher. De quoi attraper le cafard, mais l’expression ne vient pas de l’insecte : le mot arabe « kafir » apparait dans la France du XVIème siècle pour désigner un mécréant fourbe qu’on imagine dissimuler son immoralité dans la pénombre. Pareille insulte a fini par désigner le cancrelat ! C’est ensuite Baudelaire qui lui a donné une connotation de tristesse, avant que naisse le blues, musique de ceux qui ont… le bourdon !”


Cet article est tiré de la Chronique Des Animaux et des Hommes (15/12/2021), produite et diffusée sur ktotv.

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