Miser sur le capital humain pour booster sa croissance économique – Lionel Tangy-Malca

12 Mai, 2025 | FINANCE

À la tête de HOMA CAPITAL, boutique indépendante de gestion d’actifs, Lionel Tangy-Malca défend une vision de la finance où le bien-être de la personne prime ; il fait le pari du “capital humain”, en plaçant la qualité du dialogue social au cœur de sa stratégie d’investissement. Rencontre avec un homme pour qui le S de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est le corollaire de la performance économique.

Que diriez-vous pour vous présenter, Lionel Tangy-Malca ?

Lionel Tangy-Malca : Je suis un jeune grand père de 50 ans, patron d’HOMA CAPITAL, HOMA qui veut dire “humain” en espéranto, cette langue utilisée comme langue véhiculaire par des personnes provenant d’au moins 120 pays à travers le monde. HOMA CAPITAL veut donc dire « capital humain ».

HOMA CAPITAL est une société de gestion agréée par l’Autorité des marchés financiers que j’ai contribuée à fonder en 2011 et qui compte aujourd’hui seize collaborateurs.

Notre particularité est que nous visons des impacts positifs sur l’environnement, tant naturel qu’humain ; contribuer au bien-être des collaborateurs dans les entreprises est une dynamique qui nous est chère.

Quelles sont les missions d’HOMA CAPITAL ?

HOMA CAPITAL gère des portefeuilles d’actifs. Les actifs peuvent être gérés à travers différents supports d’investissement. Il y a la gestion sous mandat ou la gestion à travers un fonds. Lorsque vous parlez d’un fonds d’investissement, vous ne parlez que d’une enveloppe. Une société d’investissement comme HOMA CAPITAL gère donc différentes sortes d’enveloppes.

La différence entre un mandat et un fonds est que le mandat est beaucoup plus profilé – vous allez le gérer de manière très individuelle – quand un fonds d’investissement s’adresse à une pluralité de souscripteurs.

Au sein d’HOMA CAPITAL, je gère dix fonds d’investissement. Un fonds d’investissement est un moyen de collecter de l’épargne en investissant dans des valeurs mobilières – mobilière : mobiles, qui bougent – soit les actions et les obligations. Ces deux valeurs sont négociées sur un marché – la bourse – mais les obligations ont la particularité d’être négociée sur un marché de gré à gré.

L’objectif d’un fonds d’investissement est donc d’acheter ces valeurs et d’essayer d’en obtenir une revalorisation positive au bénéfice de ceux qui lui ont confié de l’argent. Soit dit en passant, l’activité de gestion d’actifs ou de gestion financière nécessite un volume d’informations et de connexions qui sont très coûteuses (indépendamment des compétences lesquelles sont également très coûteuses).

Un exemple ?

Prenons le cas d’une mutuelle. Une mutuelle a des réserves obligatoires : pour pouvoir garantir des sinistres, la simple perception des cotisations ne suffit pas. Or, en cas de risque extrême, il faut pouvoir être capable d’intervenir.

Ces réserves ne peuvent pas se contenter de “dormir” en banque car cela impliquerait qu’elles soient revalorisées à la baisse du fait de l’inflation. Elles vont donc être confiées à un gestionnaire d’actifs – qui pourrait être en interne de la mutuelle mais qui aujourd’hui, dans la quasi totalité des cas, est externalisé. La mutuelle va donc confier à une société de gestion d’actifs une partie ou la totalité de ses réserves, de sorte qu’elle puisse en obtenir une revalorisation qui dépasse au moins l’inflation. Grâce à cela, les réserves de la mutuelle ne subiront pas l’érosion de la valeur de l’argent.

On pourrait également prendre le cas d’un investisseur particulier. De la même manière, une personne ayant un certain patrimoine subira la dépréciation de la valeur de l’argent à travers l’inflation si elle laisse son argent dormir en banque. Elle va donc avoir plutôt recours à un acteur tiers pour obtenir une revalorisation de ce patrimoine.
C’est le meilleur moyen pour elle de ne pas perdre son pouvoir d’achat.

Depuis septembre 2021, HOMA CAPITAL est le premier gestionnaire d’un fonds visant l’amélioration de la notation sociale des entreprises dont il est actionnaire : pourquoi avoir fait ce choix ?

Le choix de chercher une valorisation à la hausse du “S” de l’ESG (Environnemental Social Gouvernance) des sociétés nous est apparu très important.

La réglementation s’emploie à satisfaire les problématiques liées à l’environnement ; sur ce point, les acteurs réagissent et c’est tant mieux ! Mais il y a une autre dynamique qui nous est chère : celle de la question humaine. C’est une dynamique à laquelle peu d’acteurs attachent de l’importance : on regarde la performance financière, mais qui regarde la situation des collaborateurs ? Le bien-être au travail ? La performance de la Qualité de Vie au Travail (QVT) ?

S’il y a peu d’acteurs proactifs sur cette question du capital humain, c’est qu’elle est très complexe. De fait, on peut traiter la question environnementale avec des modèles – on va réduire son bilan carbone facilement en renouvelant son parc automobile, par exemple. S’agissant de la question humaine, ce n’est pas de cette façon que vous allez générer un climat meilleur, plus respectueux des personnes, moins générateur de risques psychosociaux ! Il faut pour ce faire des actions beaucoup plus profilées et une bonne compréhension de la culture de l’entreprise.

Or, de mon côté, c’est cela qui m’intéresse : d’une part, obtenir une revalorisation à la hausse de la performance des fonds qui m’ont été confiés et d’autre part, que ces services aient contribué à un monde meilleur, plus humain.

D’ailleurs, lors des recherches que nous avons effectué, il est manifeste que l’on ne peut progresser sur la question environnementale et dans la gouvernance de l’entreprise, que lorsque l’on améliore en parallèle sa note sociale.

Et quand on voit la notation sociale des sociétés que l’on accompagne progresser de plus de 13 % sur l’année, je dois dire qu’on en dégage une certaine satisfaction !

Justement, comment vous y prenez-vous concrètement pour permettre aux entreprises que vous accompagnez de voir leur note sociale progresser ?

Notre première étape est toujours de suggérer à la société de faire une enquête QVT. Il n’est pas possible d’aider une entreprise à progresser si elle ne sait pas où elle en est. Au terme de l’enquête, il ressort des degrés de satisfaction et d’insatisfactions sur un ensemble de paramètres, qui permettent de commencer à mettre en place des baromètres. Sans tableau de bord, sans instrument de mesure, on ne peut pas véritablement progresser.

La question de l’amélioration de la vie au travail repose sur certains axes :

  • le parcours professionnel,
  • la santé au travail. L’une des société que l’on accompagne, à la faveur des échanges que l’on a pu avoir ensemble, a ainsi créé un cabinet éphémère de podologie en interne pour produire gratuitement des semelles à tous ses collaborateurs. L’idée étant de corriger leur posture et faire régresser le risque des troubles musculosquelettiques (TMS),
  • le dialogue social. Ce dernier point est d’ailleurs particulièrement important.

La performance sociale est indissociable de la performance économique. Comment faire en sorte que la performance économique apporte la performance sociale ? En ayant un projet, une vision et être en capacité de communiquer dessus. Quand vous êtes en mesure de faire comprendre et de faire adhérer vos collaborateurs à vos perspectives, là, c’est gagné !
De fait, quelque part, le collaborateur est quelqu’un qui a sacrifié un projet personnel pour abonder dans le vôtre. Il faut donc qu’il soit saisi par ce dernier ! Il faut donc partager, communiquer avec lui et le considérer – qu’il ne soit pas un simple numéro. Cette façon de faire vaut pour le chef d’entreprise comme pour l’ensemble des managers.

Imaginez un excellent chef qui a une mauvaise brigade. Croyez-vous sérieusement que son restaurant puisse avoir du succès ? Cet exemple paraît simple, mais il en réalité très parlant et parfaitement transposable aux sociétés.

Ce sont donc des moyens moyens simples et humains – la communication, la considération, la cohérence, l’équilibre entre vie perso et vie professionnelle, le fait que chacun partage les valeurs de l’entreprise… – qui vont permettre d’améliorer la Qualité de Vie au Travail et de susciter l’engagement des collaborateurs.

N’importe qui est capable de “situer” la valeur d’un commercial engagé. Cette valeur est tout aussi importante à d’autres fonctions ! L’engagement des collaborateurs a un impact à tous les niveaux.

Qu’est-ce qui vous importe dans la relation avec les entreprises que vous accompagnez ?

Lorsque nous sommes face à une entreprise, ce qui nous intéresse tout d’abord, c’est notre capacité à dialoguer ensemble, à partager une même ambition. Si au bout de quelques entretiens, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de dialogue possible ou constructif, on sort de cette société, quelle que soit sa situation.

D’ailleurs, pour illustrer combien cette confiance, cette proximité de vue est importante, nous avons le cas d’une société qui a fait l’objet d’une attaque malveillante : une fausse information de marché a circulé sur son compte et son cours de Bourse a été divisé par deux en l’espace d’une séance !

Nous n’avons pas réagit comme les autres : non seulement nous ne sommes pas sortis de cette valeur mais nous l’avons même renforcée. Pour quelle raison ? On est tellement en discussion avec l’entreprise, justement par rapport à sa dynamique sociale, que nous savions avec évidence que cette rumeur négative était nécessairement fausse.

Avez-vous un dernier message, Lionel Tangy-Malca ?

Je crois que l’important dans ce monde, c’est de vivre heureux. Le temps passe vite. La vie est un voyage. Il est important de faire ce voyage dans les meilleures conditions.

J’invite donc chacun à saisir ce que lui dit cette petite voix intérieure, de prendre à deux mains son courage pour déployer ce qui lui est propre et unique et de traverser jusqu’au bout la route du bonheur !

Que vos vies soient une fête !”

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance