« 50% + 1 » : la démocratie procédurale, une démocratie exsangue

29 Mai, 2013 | Gouvernance démocratique, POLITIQUE

Démocratie procédurale« Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair. Et trois, c’est déjà trop » disait Georges Clémenceau. Cette citation nous fait sans doute sourire mais nombreuses sont pourtant celles de nos organisations ou institutions dont la gouvernance ne vaut guère mieux.

BEAUCOUP DE DIRECTIVES MAIS PEU DE DIRECTIONS

Le Parlement, d’abord. Les récents débats politiques ont ainsi été l’occasion pour certains de se féliciter d’un vote remporté à la majorité, plus deux voix, et d’asséner à leurs opposants que « la démocratie a parlé ». On a vu ces derniers, à l’inverse, s’offusquer d’un résultat si serré en leur défaveur, comme si un rejet à deux voix près eût été plus satisfaisant.
Dans nombre d’entreprises françaises, la consultation des « instances représentatives du personnel » n’est que pure formalité. Nul ne s’attend à ce qu’elles soient contributrices au fond ; tout au plus espère-t-on qu’aucune demande d’expertise ne viendra ralentir le pas de course imposé à l’entreprise.

Cette façon de concevoir la prise de décision dans un collectif a des conséquences néfastes très concrètes.
Elle tend à réduire tout débat à une querelle stérile entre pro- et -phobes, entre patrons-voyous et syndicats-irresponsables. Il s’agit pour les dominants (majorité au pouvoir ou hiérarchie) d’imposer leur vérité à la partie dominée (minorité ou salariée). L’exigence d’immédiateté que l’on s’impose dans la prise de décision conduit à sommer quiconque d’être seulement pour ou contre, de choisir son camp[1].
Ce faisant, on réduit la vérité à quelque chose que l’on possèderait plus qu’on rechercherait, et on réduit sa validité à la durée d’une législature. On abolit toute référence à un bien commun qu’il s’agirait de rechercher ensemble. On tue dans l’œuf la possibilité même de solutions créatives. On offre aux gouvernés beaucoup de directives, mais finalement peu de directions.

DES MODÈLES PLUS RESPECTUEUX DU VIVRE-ENSEMBLE

« Une bonne gouvernance s’appuie sur des procédures qui sont nécessaires mais non suffisantes. »

D’autres modèles existent, plus respectueux de l’écologie humaine, c’est-à-dire du vivre-ensemble.
Les pays nordiques et germaniques ont une approche radicalement différente du dialogue social, fondée sur une véritable co-gouvernance de l’entreprise.

En 1965, on a aussi vu un concile œcuménique (Vatican II) voter de nouveau un texte qui avait pourtant recueilli une majorité de 1997 voix contre 224, afin de rechercher un consensus plus large encore ; ce texte sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae) fut adopté avec 2308 voix pour et 70 contre. De l’art d’aller chercher la brebis perdue !

Une bonne gouvernance s’appuie sur des procédures qui sont nécessaires mais non suffisantes. S’y limiter, c’est courir le risque de n’être qu’une démocratie formelle.
Des solutions techniques existent : votes à la majorité qualifiée, sanctuarisation des textes votés à l’unanimité (par exemple la loi Leonetti), responsabilisation des individus (ou des instances du personnel). La Commission Européenne est souvent critiquée pour son déficit de démocratie, mais elle a su inaugurer une pratique de consultation publique (avec publication des points de vue exprimés) dans la préparation de ses directives qui gagnerait à être adopté chez nous.
Mais ces solutions ne valent que dans la mesure où le leadership est perçu davantage comme un service que comme une préséance, où le gouvernant vise la recherche de l’unité et n’envisage pas la division comme un moyen acceptable de gouvernement.



[1] Ce n’est pas seulement le cas en politique : dans son livre « Chemins de traverse », Emmanuel Faber confie avoir initialement choisi la finance pour « être du bon côté du manche ».  

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