Depuis 17 ans, Véronique Comolet accompagne bénévolement des personnes en fin de vie en soins palliatifs. Juriste dans une agence de design, auteur de “Toute fin est une histoire” (Ed. Equateurs) et mère de quatre enfants, elle partage ce que ces années d’engagement lui ont appris sur la mort… et surtout sur la vie. Une parole rare et profondément humaine, dans une société qui invisibilise toujours plus la fin de vie.
Comprendre ce que sont les soins palliatifs
Véronique Comolet, accompagnatrice en soins palliatifs : “Les soins palliatifs, souvent méconnus, sont des soins actifs : une équipe pluridisciplinaire prend en charge des patients atteints de maladies graves, incurables, évolutives – souvent en fin de vie, mais pas toujours. Le but, c’est de prendre en soin l’ensemble des souffrances ; d’apporter du confort. Cela passe avant tout, bien sûr, par l’apaisement des douleurs physiques, mais aussi les souffrances sociales, familiales, psychologiques, spirituelles – d’où l’importance de porter sur le patient différents regards, des professionnels soignants aux bénévoles d’accompagnement, qui représentent la société civile.
Accompagner tous les vivants, jusqu’au bout
Les soins palliatifs ne sont pas que pour les malades. Ils s’occupent également des proches. Parce que la perte ne touche pas seulement celui qui part, mais aussi tous ceux qui restent. Et c’est dur d’accepter la perte, de voir la vie décliner. Personne ne veut voir diminuer ses capacités, réduire son indépendance et encore moins, perdre un être aimé. C’est pourtant une vérité fondamentale de la condition humaine. Il faudrait pouvoir apprivoiser la perte.
Mettre la mort de côté et perdre quelque chose d’essentiel pour la société
Je rencontre des personnes d’un certain âge, 40 ans ou plus, me dire : « Je n’ai jamais vu un mort. »
Avant, les personnes mourraient chez elles , entourées des leurs ; la mort avait quelque chose de familier. Aujourd’hui, elle est devenue tabou ; on l’invisibilise comme la précarité ou le handicap, parce que cela ne correspond pas aux critères de performance, de rentabilité mis en avant dans notre société.
Mais en faisant disparaître la mort, on enlève une part précieuse de notre humanité. La mort nous rappelle la valeur du lien, la fragilité de la vie, l’urgence d’aimer.
Ce que la mort m’a appris sur la vie
Quand on accompagne des personnes en fin de vie, on ne peut pas en ressortir indemne. Ce bénévolat m’a appris à habiter le présent. À arrêter d’angoisser pour des choses qui n’arriveront peut-être jamais. À me demander : qu’est-ce qui est vraiment important dans ma vie ? Et m’y arrêter avec gratitude.
L’essentiel, à mon avis ? Vivre des moments d’authenticité avec ceux qui nous entourent. Investir les relations, les nourrir. Et ne pas reporter à plus tard ce que l’on peut dire aujourd’hui à quelqu’un qui compte pour nous.
Le rôle immense de l’écoute… et du silence
On croit souvent qu’il faut parler, consoler, conseiller quand quelqu’un traverse un deuil. Pour moi, le plus beau cadeau que l’on puisse faire est d’écouter. Juste écouter. Sans juger, sans vouloir réparer. Laisser la personne parler, redire, se souvenir.
Et surtout, ne pas avoir peur du silence. Le silence, c’est une vraie respiration. C’est dans le silence que les mots les plus lourds trouvent l’espace pour oser se dire. Apprendre à juste être là, sans projet. Offrir une présence simple. C’est capital.
L’intensité bouleversante des derniers instants
Être là au moment de la mort, c’est bouleversant. Et ce, même quand je ne connais pas la personne que j’accompagne en silence. Quand la personne décède, j’ai ce sentiment très fort qu’elle vient puiser dans mon énergie pour partir. Après ces moments-là, je ne peux plus faire d’autres accompagnements.
Il y a quelque chose d’extrêmement mystérieux, d’invisible mais de très réel dans ces instants.
Accompagner, c’est à la portée de tous
N’ayez pas peur d’être présent pour les personnes qui sont sur le point de traverser un deuil ou qui viennent de perdre un être cher. Parfois, dans ce contexte, on a peur de gêner. Et pourtant ! Même si c’est juste pour déposer un plat pour le dîner, c’est important. Une présence qui ne s’impose pas, ça compte.
Autre conseil : j’incite fortement chacun de vous à suivre la formation « Derniers secours ». C’est une sensibilisation aux gestes et aux mots de la fin de vie qui s’adresse à toute personne qui souhaite mieux comprendre ce qui se passe à ce moment-là et découvrir ses propres capacités à accompagner ses proches. Elle est gratuite, animée bénévolement par un binôme soignant -non-soignant, et aborde à la fois les questions pratiques, médicales, juridiques ; elle donne aussi beaucoup de clés de compréhension… Parce qu’on a tous à gagner à ne pas être complètement démunis dans ces moments si précieux de fin de vie.
Une leçon de vie, tout simplement
Pour moi, accompagner en soins palliatifs, c’est l’un des plus beaux engagements qui soit. C’est un partage de moments très intenses, parfois graves, parfois joyeux, au cœur de l’humain !
J’ai énormément reçu de ces accompagnements. Et ça m’a profondément transformée.
Alors si je devais retenir deux choses ? La première, c’est : n’ayez pas peur. Et la seconde : soyez là. Juste là. Parce que dans ces moments-là, une simple présence peut tout changer.”
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