Affronter les coups du sort : quelques conseils pour booster sa résilience – Pierre d’Elbée

15 Mai, 2024 | ART & CULTURE, PHILOSOPHIE

Auteur dAffronter les coups du sort, petit traité de résilience, paru aux éditions Artège en février 2024, Pierre d’Elbée, docteur en philosophie, propose un éclairage sur des questions essentielles qui touchent notamment notre façon de réagir face aux épreuves de la vie.

“La vie n’est pas un long fleuve tranquille… Certains coups du sort sont particulièrement douloureux. On ne s’en remet pas, ou difficilement.”

Pierre d’Elbée

Le lys de feu, symbole de résilience

Pierre d’Elbée : “J’aime prendre l’exemple de cette plante extraordinaire endémique d’Afrique du Sud pour expliquer ce qu’est la résilience. Il s’agit du lys de feu qui ne pousse qu’après un incendie de forêt. Il faut s’imaginer un paysage désolé, où tout n’est plus que cendres. Mais, quatre jours plus tard, vous voyez cette magnifique fleur orange sortir. C’est la première ! Les incendies provoquent immédiatement la mise en fleur, même pendant la saison hivernale.

C’est exactement ce qui définit la résilience : être capable de rebondir après un traumatisme ou une grande épreuve, pour entamer une nouvelle vie.

Affronter le traumatisme

Le traumatisme est une épreuve tellement intense que quelque chose en nous ne parvient pas à le supporter et nous fait dérailler, perdre les pédales. On ne sait jamais vraiment comment l’on va se comporter face à un événement traumatique ; il est d’autant plus déstabilisant qu’il est imprévu.

Toutefois, il est possible de s’y “préparer”, en essayant de se connaître soi-même et de découvrir es stratégies plus ou moins conscientes déployées spontanément pour affronter des coups difficiles à vivre.

Je distingue plusieurs niveaux de traumatisme :

  1. Le traumatisme physique : une douleur physique très forte.
  2. Le traumatisme psychique : des images, des souvenirs qui nous tourmentent et nous empêchent d’être libres.
  3. Le traumatisme moral : une blessure de la dignité en tant qu’être humain.

Les formes de résilience

Il y a 3 formes de résilience :

  1. La “survivance” : on survit à un traumatisme, mais mal. Le traumatisme est encore sensible, subi, même s’il y a toujours un espoir d’aller mieux.
  2. La résilience “satisfaisante” : quand on retrouve une vie sociale correcte, même si elle ne sera jamais comme avant.
  3. La résilience “surabondante” : après le traumatisme, on trouve un nouveau sens à sa vie, on apporte une contribution qui n’aurait jamais existé sans cette épreuve.

La résilience surabondante : l’exemple d’Henri Dunant

Un exemple typique de résilience surabondante est celui d’Henri Dunant. Il va être présent sur le drame de Solférino (juin 1859) où il va voir des milliers de blessés, ce qui va – on peut le comprendre – le traumatiser.

Mais il ne va pas en rester là. Que va-t-il faire ? Il va organiser des soins sur place et aider les blessés sur le champ de bataille. Il va en sauver quelques-uns, sachant que c’est insuffisant.

Insatisfait, il sera finalement conduit à créer cette institution que nous connaissons tous : la Croix-Rouge.

Henri Dunant va donner va donner une dimension de surabondance à sa vie. Et ça, c’est quelque chose de remarquable. Le traumatisme est l’occasion d’un acte de grande générosité.

La résilience, indispensable à cultiver aujourd’hui

Nous sommes face à un climat de désespérance globale. Où que l’on regarde, les menaces sont partout : climatiques, écologiques, socio-politiques… la liste est longue ! Ces problématiques, ourlées de catastrophes variées, entament notre moral, d’autant que nos difficultés personnelles viennent s’agréger à ces difficultés d’ordre sociétal.

L’origine de ce livre est donc ce constat : nous sommes de moins en moins capables de résister et de faire preuve de résilience dans ce climat si anxiogène. J’ai donc voulu que les personnes qui traversent des épreuves puissent s’appuyer sur des clés concrètes, conceptuelles, spirituelles, tirées des recherches en psychologie, de la sagesse philosophique et des témoignages de personnes qui ont réussi à grandir dans cette situation. 

Le pardon : une vertu à retrouver

Pardonner, c’est donner quelque chose qui nous dépasse à quelqu’un qui n’en revient pas.

La réponse naturelle à quelqu’un qui nous a fait du mal est la vengeance : œil pour œil, dent pour dent ! J’aurai même tendance à faire subir à mon bourreau un traitement bien pire que celui que j’ai reçu de sa part. On entre alors dans un système d’escalade de la violence, pouvant dégénérer en destruction totale.

Je considère que cette question du pardon est vraiment un sommet de résilience, de résilience morale, notamment. Et ça, tout le monde n’en n’est pas capable ! Mais ceux qui en sont capables méritent toute notre attention et même notre admiration !

J’ai envie de faire découvrir l’extraordinaire parcours de Maïti Girtanner à ceux qui ne la connaissent pas encore. Elle a une histoire étonnante. En 1984, après 40 ans, son bourreau nazi – elle a été torturée pour avoir fait de la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale – lui téléphone pour lui annoncer qu’il veut la voir… dans l’après-midi. N’ayant plus que quelques semaines à vivre, du fait d’un cancer, il ne peut mourir sereinement sans demander pardon à sa victime encore vivante, regrettant d’avoir fait tant souffrir des êtres humains sans défense. La confrontation va avoir lieu et Maïti lui accordera son pardon avec un geste extraordinaire : elle posera un baiser sur le front de son ancien bourreau !

Chercher sa force vitale

La résilience, ne se déclare pas : la vitalité, vous l’avez ou vous ne l’avez pas.

Cette force vitale n’est pas seulement biologique : elle est aussi la force de notre désir, de notre volonté, de nos convictions, de notre spiritualité.

Victor Frankl, fondateur de la logothérapie montre que lorsque nous faisons face à un événement tragiquement injuste, comme l’expérience des camps de concentration (ce qui est son cas), nous pouvons y opposer notre vitalité physique, morale et spirituelle.

Il nous appartient de guider notre force vitale vers ce à quoi nous consentons au plus profond de notre âme ; “Aller à la vérité avec son âme toute entière”, comme disait Platon.

Au fond, la résilience consiste à aller chercher nos ressources les plus profondes, puiser dans nos forces vitales pour servir quelque chose de plus grand que nous. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut prendre le temps de méditer pour discerner ce qui est vraiment important pour soi.”


Pour aller plus loin sur cette réflexion : La résilience, moteur du succès ?

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