Comme beaucoup, j’ai reçu un électrochoc il y a quelques mois…

2 Nov, 2008 | Non classé

Bonjour Eudes… Commençons par le début…Comment êtes-vous arrivé ici, à Écologie Humaine ?

Comme beaucoup, j’ai reçu un électrochoc il y a plusieurs mois, lors de la mise en place de la loi Taubira. La cause n’a pas été uniquement le contenu de la Loi, mais surtout la façon dont elle a été amenée. En effet cette loi a montré la façon dont le gouvernement veut s’occuper de tout, jusqu’au détail de la vie de chaque Français. Le législateur veut nous imposer une nouvelle définition de l’homme, de la femme, de la famille, de la filiation… Je suis moi-même marié depuis 15 ans et père de famille.  Je me suis senti bousculé dans ma vie d’homme, marié et père de famille, par le législateur, dans ma propre existence,  dans ma propre liberté de réflexion et de parole. J’ai décidé de dire “non”!

C’était l’élément déclencheur. J’ai participé aux manifestations puis je me suis interrogé sur les suites à donner. En effet, la loi est passée mais elle s’est inscrite dans un dispositif plus large qui continue de nous contraindre… Et si nous souhaitons changer les choses, il faut s’impliquer réellement et localement, redécouvrir la place de l’homme dans son environnement … et être prêt à travailler sur le long terme.

L’appel des 3 initiateurs fut pour moi un élément très positif : il répondait à ce que je voulais en tant que personne et aussi en tant que professionnel pour m’impliquer dans mon entreprise. Il est important de mettre en valeur l’homme en tant que tel et l’homme dans son environnement. L’expérience me le montre car je m’occupe de secteurs agricoles, viticoles, sylvicoles et d’hôtellerie de plein air. Je veux donc apporter ma contribution à l’écologie humaine en prenant la responsabilité de la région Aquitaine.

 

Comment le Courant a-t-il débuté son existence en Aquitaine ?

 Les manifestations de janvier, mars et mai ont alimenté le besoin de s’engager pour de nombreuses personnes dans notre région et moi la première.

Quand j’ai vu l’initiative du courant de l’écologie humaine, j’ai décidé d’y adhérer rapidement.  J’ai participé au lancement du courant 22 juin et au WE en août pour ceux qui désiraient s’engager plus. Habitant Bordeaux,  j’ai proposé ma candidature pour l’Aquitaine, et l’on m’en a confié la coordination.

Dans la région, nous étions plusieurs à avoir participé au WE du 24-25 août. Nous nous sommes réunis début septembre, à 3 personnes, pour initier ensemble le mouvement autour de l’Ecologie Humaine. A notre niveau, nous avons commencé par contacter les personnes de notre premier cercle pour leur parler d’EH. Personnellement, j’en ai discuté avec le propriétaire des entreprises pour lesquelles je travaille et nous avons réfléchi à ce que peut signifier l’EH dans le monde de la viticulture. Une contribution en est sortie plus tard et se trouve maintenant en ligne sur le site EH.

Un autre membre de notre équipe, Florence, mère de famille s’est intéressée aux sages-femmes. Elle connaissait une sage-femme ayant une vision particulière de l’accompagnement de la femme enceinte.  En effet en France, la grossesse est vue comme un risque ou une maladie qu’il faut accompagner par une surmédicalisation.  Dans ce cas, dès l’identification d’un risque potentiel, celui-ci est éliminé…  Ce n’est pas le cas en en Angleterre, pays dans lequel a été formée cette sage-femme : on accompagne la personne dans ses difficultés, on ne surmédicalise pas… c’est plus humain. Florence est allée interviewer cette sage-femme qui lui a partagé son expérience et sa façon de voir. Cette interview nous a montré que l’on peut proposer autre chose à une future mère,  l’accompagner plutôt qu’éliminer le risque, et favoriser la vie.

Je lis souvent des articles dans les revues étrangères sur des personnes trisomiques ou handicapées qui réussissent magnifiquement telle ou telle chose… et qui n’auraient pas pu voir le jour en France à cause de notre vision de cette “période à risque”. Moi-même j’ai 2 frères et sœurs handicapés, qui vivent aujourd’hui à l’Arche de Jean Vanier. Ils sont une bénédiction pour notre famille.  Il m’aurait manqué quelque chose dans mon propre développement, dans ma vision et dans mon rapport à autrui s’ils n’avaient pas existé.

Pour revenir à l’Aquitaine, nous avons commencé humblement à 3. Désormais nous sommes 5, un peu plus à l’aise sur le sujet. Nous nous apprêtons à proposer une réunion publique en décembre, qui sera préparée en novembre. Nous souhaitons ensuite la répliquer  dans d’autres villes en Aquitaine. Il nous faut pour cela des contacts et prendre notre  bâton de pèlerin pour faire le tour de l’Aquitaine. Expérimentons d’abord cette réunion publique, maitrisons le sujet un peu plus, car il n’est pas évident dans l’esprit des gens. Nous avons identifié que l’« écologie » d’un côté renvoie à un background de causes environnementales et de l’autre à la notion de « personne humaine ». Pour beaucoup le lien n’est pas évident.

Pour le moment, nous constatons que nombre de personnes pratiquent l’écologie humaine de façon naturelle. L’exemple de cette sage-femme en est l’illustration ! Il faut aller vers eux pour qu’ils nous partagent leur expérience et leurs bonnes pratiques. A nous de les diffuser. Nous sommes convaincus que beaucoup de personnes seront enchantées de partager ce qu’ils vivent même si cela semble contraire à l’air du temps et à l’encontre de la pensée unique. Sans être naïf, pour avancer il faut avoir une vision positive de l’homme et identifier sa place dans son environnement immédiat (medias, art, technique…) Il existe bon nombre de champs d’action où l’écologie humaine se pratique.

Bien sûr, le développement du Courant ira au rythme de l’implication de chacun… il y a des familles, des étudiants, des professionnels… et il faut voir cet investissement sur le long terme !

 

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui voudraient lancer le CEH dans leur région ?

D’être dans l’humilité, ne pas imposer sa propre vision aux autres mais partir du vécu de chacun pour petit à petit créer un mouvement. Avec beaucoup de bienveillance, car on rencontre des gens d’horizons très différents, qui pratiquent des choses très différentes. Il y a certainement beaucoup d’éléments positifs à retirer de ces expériences.

Un autre exemple de comportement EH : Il me semble important de créer des liens dans son quartier mais ce n’est pas toujours facile. Dans beaucoup de villes le dîner annuel de rue le permet. Ce diner est l’occasion de partager un verre, de rencontrer des voisins que l’on voit peu d’habitude. Il n’est pas nécessaire d’être à 200% investi dans l’Écologie Humaine pour aller rencontrer ses voisins proches. Ils sont individuellement et collectivement l’humanité proche de chez nous. Chacun a sa propre expérience de vie. Ainsi avec une vision EH, il n’est pas indispensable de chercher des acteurs EH uniquement dans nos milieux. Cette démarche nous oblige à sortir de notre vision de la société, de l’autre… des personnes qui ne vivent pas comme nous peuvent aussi avoir une conception très juste de la personne humaine même si leur religion, leur sensibilité politique ou sociale est différente… et ce peut être mon voisin ?

 

Le diner des voisins, c’est du vécu ?

Oui quand nous sommes arrivés à Bordeaux, nous ne connaissions personne. Un dîner de rue était organisé peu après. Nous nous y sommes rendus d’abord par curiosité, puis avec un réel intérêt l’année suivante… Nous avons ainsi rencontré une personne âgée, joyeuse mais isolée… désormais, nous avons une pensée pour elle de temps en temps, il nous arrive d’aller sonner pour prendre des nouvelles…on crée un lien ! Nous sommes des voisins normaux qui refusent simplement la routine du métro, boulot, dodo, mais qui se rappellent que les gens existent. Cette démarche commence par le salut du matin. Il faut souvent oser traverser la rue pour dire bonjour !

 Y a-t-il des écueils à éviter pour les responsables de région ?

Nous-mêmes en réalité ! Il faut éviter de rechercher des gens qui nous ressemblent… et se rappeler qu’on n’est pas là pour ‘convertir’,  pour vouloir absolument que l’autre entre dans nos vues, notre vision de l’écologie humaine… Le risque du mouvement est de penser que nous seuls détenons la vérité… et de vouloir la transmettre à tout prix aux autres.

L’autre peut nous enrichir car il détient une parcelle de vérité. Ainsi, il faut une certaine vigilance sur la façon d’être… sans être naïf non plus, l’homme n’est pas bon par nature, il y a beaucoup de méchanceté dans l’homme et cette dernière peut être très destructrice notamment dans la création d’un courant.

L’exemple des syndicats en entreprise que j’ai expérimenté pendant 15 ans peut être  parlant: un directeur peut travailler avec eux, le dialogue peut porter des fruits, mais il doit toujours garder à l’esprit qu’ils peuvent être des adversaires farouches.

 

Question bonus… Comment dans ma vie, dans mon travail l’EH peut me toucher ?

 L’important est le lien aux autre et ça commence par la famille !… une réunion un samedi, c’est loin d’être idéal! (Ndlr : nous venons de fixer la prochaine réunion un samedi) l’EH passe par là, dans la première cellule ou alvéole !

Ensuite dans le monde professionnel : par ma façon de me comporter avec mes salariés, quelle vision de l’homme ai-je ? Comment faire en sorte que les salariés non seulement travaillent mais soient content de travailler ? Comment imaginer de nouvelles pratiques d’évaluation de ses collaborateurs pour sortir de l’évaluation sur le CA, l’EBE ou la satisfaction client, et imaginer une évaluation supplémentaire sur la bienveillance ?

L’être humain ne vit pas tout seul, l’écologie ne fonctionne pas toute seule ; c’est l’interaction de l’homme et de son environnement qui comptent : Quand l’homme sort de lui même, il entre dans son environnement : le premier, le plus immédiat est la famille puis vient le travail, et enfin l’environnement naturel… mais pour le citadin, le lieu de l’écologie, c’est la ville ! Et l’on y trouve d’autres personnes…

Un dernier exemple d’attitude EH dans notre environnement proche : Le métro est un lieu classique d’inhumanité… A nous d’être vecteur d’humanité ! Un sourire, un bonjour font toute la différence. Tout à l’heure quand je me rendais dans vos bureaux, j’ai pris le métro. Une dame un peu âgée qui marchait difficilement était régulièrement bousculée dans la rame par la violence des freinages. Et bien nous étions plusieurs à l’aider à se tenir, à lui éviter de tomber. Remettre de l’humanité là où il en manque, c’est cela : Cette personne est sortie du métro en souriant et remerciant !

Propos recueillis par Anne-Cécile, cellule journalisme du CEH

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