Fascinante introduction au merveilleux monde des plantes – Katia Astafieff

21 Mai, 2024 | NATURE & ENVIRONNEMENT

Autrice de nombreux ouvrages de vulgarisation, dont Les plantes font leur cinéma (Dunod), biologiste de formation, voyageuse, vulgarisatrice scientifique, directrice adjointe des Jardins botaniques du Grand Nancy et de l’Université de Lorraine, passionnée par le monde des plantes, Katia Astafieff offre ci-dessous une passionnante introduction au merveilleux monde des plantes et de la botanique.

“J’ai commencé à m’intéresser aux plantes lors de mes études en biologie, ça m’a permis de découvrir un nouveau monde.”

Katia Astafieff

Pourquoi les fleurs sentent-elles si bon ?

Si les plantes émettent des odeurs fortes et développent des couleurs éclatantes, ce n’est pas pour le plaisir des humains ; c’est un moyen d’assurer leur reproduction, en attirant les pollinisateurs. Ces derniers peuvent être des insectes – mouches, papillons, coléoptères – voire même de petits mammifères comme des chauves-souris. Mécaniquement, plus la plante attire de pollinisateurs, plus elle aura de chances de survie en se disséminant dans la nature.

Il arrive qu’une odeur soit très mauvaise pour les humains mais délicieuse pour un insecte et inversement ! Je pense à la Rafflesia, la fleur la plus grande du monde, qui possède une odeur absolument nauséabonde ; pourtant certains insectes en raffolent !

Rafflesia, fleur à l’odeur nauséabonde (pour les humains, pas pour les insectes !). Source : Wikipedia

Les plantes ont d’autres particularités pour attirer les pollinisateurs. Les orchidées, par exemple, sont des reines de la séduction. Elles ont un pétale – le labelle – qui parfois va ressembler à un véritable insecte. L’orchidée abeille, par exemple, a un labelle qui ressemble à une abeille. Cela va attirer les bourdons qui vont se poser sur la fleur, pensant pouvoir copuler avec cette jolie femelle. Pas de bol, ce n’est qu’une fleur ! Le pollen de la plante se fait ainsi transporter sur une autre fleur. Habile !

Toujours au sujet des orchidées, non seulement certaines espèces sont capables de mimer le corps d’un insecte, mais elles peuvent même émettre leurs phéromones ; la fleur va carrément reproduire l’odeur d’un insecte femelle ! (ce que nous sommes d’ailleurs incapables de sentir, nous, humains).

Orchidée abeille (Ophrys apifera subsp. jurana). Source : wikipedia.

Merveilles de la nature : co-évolution entre insectes et plantes

Nepenthes bicalcarata

Autre chose fabuleuse dans l’univers botanique : des partenariats entre plantes et insectes, qui se rendent des services parfois vitaux.

Comme exemple de cohabitation, on peut citer une plante carnivore, la Nepenthes bicalcarata, qui vit à Bornéo, en Asie du Sud-Est, qui abrite une fourmi bien particulière, la Camponotus schmitzi. Étonnante association que celle-ci !

Ce mutualisme s’est développé à travers les âges : la fourmi se nourrit du nectar sécrété par la plante et bénéficie d’un hébergement, en creusant de petits trous dans la tige. En échange du gite et du couvert, elle va avoir de multiples rôles : celui de “garde du corps”, en s’assurant que nul insecte ne vienne attaquer la plante, celui de “femme de ménage”, en nettoyant le bord de l’urne, ce qui le rend bien lisse et fatalement glissant pour les insectes qui s’y poseront. Par ailleurs, elle débarrasse la plante des cadavres d’insectes, ce qui évite l’amoncellement et donc le pourrissement et la production d’ammoniaque.

Enfin, la fourmi nourrit la plante de ses excréments et, sa dernière heure arrivée, de son cadavre.

Petite histoire de la botanique

Les humains se sont toujours intéressés aux plantes : ils s’en sont toujours nourris et servis pour se soigner.

Déjà, Pline l’Ancien (23-79 apr. J.-C.) faisait des catalogues de plantes. Il est l’auteur d’une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle (Naturalis Historia), publiée vers 77 et comptant trente-sept volumes. Cet ouvrage a longtemps été une importante référence scientifique et technique.

Au Moyen-Age, la botanique s’est développée en tant que science : on s’intéressait notamment aux plantes médicinales. Mais c’est vraiment à la Renaissance que l’on a commencé à classer les plantes.

Au XVIIIᵉ siècle, c’est l’essor des grandes explorations botaniques autour du monde, avec la découverte de nouveaux pays et, forcément, d’une nouvelle flore jusque-là inconnue du monde occidental. Si ce sujet vous intéresse, je vous propose la lecture de mon livre – L’aventure extraordinaire des plantes voyageuses – qui relate onze incroyables aventures de plantes venues d’ailleurs, comme le tabac, le kiwi, la rhubarbe ou encore l’étrange rafflésie. Onze plantes, mais aussi onze explorateurs partis en expédition au bout du monde au péril de leur vie, Indiana Jones de la botanique !
C’était vraiment des métiers à risque mais il y avait une grande soif de connaissances. Les végétaux rapportés ont enrichi les grandes institutions telles le Muséum d’histoire naturelle à Paris ou le Kew Gardens à Londres.

Aujourd’hui encore, on découvre de nouvelles variétés, notamment dans des régions tropicales reculées, moins accessibles.

Gaga germanota

Comment ça se passe lorsque qu’on découvre une nouvelle espèce ?

Quand une plante est découverte, il s’agit d’en faire la description et d’en mettre un échantillon séché en herbier qui servira de référence.

Il est ensuite nécessaire de mentionner la date et le lieu de récolte ainsi que le nom de celui ou celle qui l’a collectée et celui qui l’a décrite (ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes).

Et puis, il faut lui trouver un nom. Comment faire ? On va souvent lui donner un nom en langue vernaculaire et un nom latin qui est le langage universel des plantes. En latin, il y a toujours deux noms : l’un pour le genre et l’autre pour l’espèce, ce qui est également valable pour les animaux ; un Canis lupus, par exemple, est un loup.
Pour nommer une nouvelle plante, l’inspiration peut venir de la morphologie de la plante, de son origine géographique, ou d’un hommage que l’on souhaite faire à une célébrité. Ainsi, récemment, une fougère a été nommée Gaga germanotta en hommage à Lady Gaga ; excellente façon de faire de la communication grand public, soit dit en passant !

Peut-on dire des plantes qu’elles sont intelligentes ?

Voilà LA question du moment. Qu’est-ce que l’intelligence chez un humain ? Ce n’est pas si évident d’y répondre ! Je dirais que c’est sa capacité à répondre de manière pertinente à son environnement, de s’adapter à une situation.

Dans une certaine mesure, la plante est capable de réagir à un certain nombre de contraintes environnementales ; elle peut se protéger via des mécanismes de défense, en fabriquant des molécules toxiques par exemple, pour lui éviter d’être consommée par des prédateurs. Cela s’est fait grâce à des centaines d’années d’évolution. Mais ce n’est clairement pas une décision que la plante prend d’elle-même, elle n’a aucune volonté propre, ce qui la différencie totalement de l’intelligence humaine. Il est donc toujours préférable de ne pas tomber dans l’anthropomorphisme !

Globalement, les plantes sont capables de réaliser de nombreuses actions dont nous sommes parfaitement incapables et inversement. C’est ce qui les rend d’ailleurs si extraordinaires ; les végétaux forment un univers à part.

Préserver notre environnement : c’est important !

Nous vivons dans un monde de plus en plus urbanisé où nous, humains, sommes de plus en plus nombreux ; cela engendre un certain nombre de contraintes pour être en mesure de continuer à vivre avec le reste du vivant.

Il faut toutefois garder en tête que la nature est notre assurance vie. Nous devons persévérer dans nos efforts de préservations de nos écosystèmes. Nous en avons besoin pour nous nourrir et nous soigner. Et nous ne pouvons pas ne pas nous inquiéter en voyant des espèces disparaître. Chaque espèce joue un rôle crucial dans la nature, même les moustiques, les araignées et les petites mouches moches ! Il est fondamental de préserver les équilibres entre espèces…

Notre avenir est menacé si l’on ne respecte pas l’ensemble du vivant.

S’émerveiller des choses simples

Le vivant n’est pas que de la science, c’est aussi de la beauté, de la poésie, du rêve. Ne cessons jamais de nous intéresser au vivant – animaux, plantes, insectes… – et d’éveiller cette curiosité auprès des jeunes générations. Et ça peut même passer par les écrans ! Il existe d’excellents documentaires ou vidéos de vulgarisation, par exemple.

Bien sûr, il est encore mieux d’aller directement l’explorer dans les forêts, mais même en ville, on peut trouver des coins de verdure apaisants.

C’est vrai que notre monde n’est pas toujours très drôle, mais il y a encore tellement d’espèces à découvrir et de belles choses à voir ! Prendre le temps d’observer, d’apprécier les choses simples du vivant qui nous entoure, ça fait du bien. C’est important.


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