Le nautile et la lune

3 Avr, 2021 | NATURE & ENVIRONNEMENT

Il n’a que l’air d’un coquillage. Avec sa morphologie sophistiquée, ce vieux cousin de poulpe vient de si loin, qu’on pense qu’il peut éclairer le mystère des relations entre la terre et la lune. Chronique animalière proposée par Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine.

Une famille d’animaux marins défie le temps. Elle a résisté – presque sans évoluer – à deux extinctions de masse, dont celle des dinosaures, qui sont bien moins anciens. Il s’agit des Nautiles. Il en subsiste plusieurs espèces bien vivantes alors qu’on en connait aussi des fossiles vieux de plus de 400 millions d’années.


Je ne sais pas si vous vous rendez compte ! En comparaison, nous venons tout juste d’arriver. Aux dernières nouvelles, l’homo sapiens remonte à 300 000 ans. Nous sommes 1400 fois plus jeunes !
Comme les poulpes et les calamars, les nautiles sont des céphalopodes. Du grec Kephalé (tête) et Podès (pieds), littéralement les pieds sur la tête, car leurs tentacules y sont directement branchés. Le Nautile en a une centaine, sans ventouse. Il loge surtout dans une coquille en forme d’escargot qu’il fabrique lui-même. Il peut s’y réfugier et la fermer, mais ne le confondez pas avec un vulgaire coquillage rampant, vous le vexeriez. Car le Nautile sait nager.


Il faut dire que c’est un véritable bijou de technologie. Son système de propulsion ressemble à celui d’un avion à réaction : il projette, par un cône spécial, un jet d’eau sous pression qui le fait reculer. Il avance donc en reculant, le regard en arrière, comptant sur sa solide coquille pour amortir les chocs. Plus remarquable est sa façon de régler sa profondeur. Comme un sous-marin, il contient des caissons qu’il peut remplir de gaz pour remonter en surface, ou d’eau pour descendre, à la profondeur souhaitée, jusqu’à moins 400 mètres ! Coté nourriture, c’est un prédateur de crustacés.


Vivant dans l’océan indien, sa découverte tardive par l’Occident a suscité un vif engouement. Sa grande coquille nacrée a fait fureur, utilisée à partir du XVIème siècle pour réaliser de superbes objets d’orfèvrerie. Il s’est donc raréfié.


Pour la science, le nautile est une aubaine. Comme il vit encore, les biologistes connaissent ses mœurs qui semblent n’avoir pas changé depuis son origine, peut-être parce que le fond des océans a subi peu de mutations. Nous disposons de fossiles permettant de comparer les spécimens qui vivaient aux divers âges de la terre depuis près d’un demi-milliard d’années. Or, figurez-vous que des chercheurs pensent que cette comparaison nous renseigne sur les liens entre la terre et la lune.


De même que l’âge des arbres se compte à leurs anneaux de croissance annuels, celui du nautile se voit dans sa coquille. Remontant la nuit à la surface, l’animal l’augmente en effet chaque jour d’une épaisseur. Et à chaque mois lunaire, il l’obture et crée un nouveau caisson. Vous suivez ? Chaque jour, il sécrète un suc qui ajoute une strie, et à chaque lune, il ferme un caisson. Résultat : on peut aussi vérifier le nombre de jour entre deux pleines lunes : 29. Or, voilà que dans les nautiles fossiles, dont la construction obéit au même principe, ce nombre baisse en remontant le temps, jusqu’à atteindre 9 stries, il y a 420 millions d’années.

Conclusion : il semble que la lune ne tournait alors autour de la terre qu’en 9 jours et était donc beaucoup plus proche. L’hypothèse qu’elle s’en est détachée se renforce.
Que cela soit vrai ou pas, un lien poétique se tisse entre la lune et le nautile, tous deux ronds, roux et luisants. Et qui font lettres communes.

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