L’Intelligence Artificielle va-t-elle remplacer le management ?

9 Juin, 2023 | TRAVAIL

Docteur en Philosophie, Pierre d’Elbée intervient depuis plus de 20 ans dans les organisations professionnelles et associatives. Il cherche à établir des ponts entre le monde du travail et la philosophie, trop souvent cantonnée à un domaine académique. Il cherche ci-dessous à savoir si, effectivement, l’intelligence artificielle (IA) pourra remplacer le management dans les entreprises.

“Une IA à la place d’un supérieur hiérarchique est-elle pensable ? Cela serait accepter qu’elle soit douée d’autorité sur les êtres humains et puisse exiger d’eux leur obéissance, même en cas de conflit.”

Pierre d’Elbée

Une PDG un peu spéciale

Pierre d’Elbée, docteur en philosophie : “Avez-vous entendu parler de Tang Yu, la PDG de Netdragon Websoft ? Son entreprise, parmi les leaders chinois du jeu vidéo, compte plusieurs milliers de salariés et brasse des milliards de dollars. Tang Yu a d’abord été n°2 de la société en 2017, puis elle a été nommée PDG en 2019. Depuis, elle s’est montrée à la hauteur de sa fonction : évaluer les performances du personnel, et décider éventuellement de sanctions, améliorer la qualité des tâches de travail et la vitesse d’exécution avec rationalité et logique… elle travaille sans relâche 24 heures sur 24 GRATUITEMENT !

Car Tang Yu est un robot piloté par une intelligence artificielle. En fait, le premier objectif de NetDagon Websoft est de montrer les vertus de l’intelligence artificielle pour l’entreprise. Les hommes peuvent toujours « débrancher le robot » ou le reprogrammer, ils en restent les maîtres. Il n’empêche qu’une fois lancée, Tang Yu travaille de façon presque normale. Peut-on imaginer que les progrès de l’IA vont parvenir à opérer une remplacement total des managers dans l’avenir ?

Comment ChatGPT répond à cette question

ChatGPT, à qui j’ai posé la question, se montre rassurant : « Il est peu probable que l’IA puisse remplacer complètement (c’est moi qui souligne) un manager à l’avenir, car certains aspects du management nécessitent des compétences et une expérience humaines uniques. Bien que l’IA permette d’automatiser certaines tâches et d’améliorer l’efficacité de certaines fonctions de management, elle ne peut pas remplacer complètement l’empathie, la créativité, la flexibilité et l’intuition humaines nécessaires pour être un bon manager. »

La menace de l’IA

De là à dire que l’IA ne pourra jamais remplacer un manager, cela reste à voir. Les partisans de l’Intelligence artificielle forte prévoient que l’IA puisse simuler une expérience personnelle, une empathie, des émotions, une créativité au point de rendre invisible la différence avec une personne en chair et en os. Ce qui effrayait déjà Michel Serres. Il arrive même que dans certains pays, des gens préfèrent cet artifice ; un robot plutôt qu’une personne. Si l’utilisation de l’IA dans le management n’est pas impossible dans l’avenir, il reste que le choix de son utilisation nous appartient. À voir comment le législateur abordera le sujet.

Une opportunité pour les salariés ?

Le choix nous appartient, avons-nous dit. Et si l’IA se présentait comme une solution plutôt qu’une menace ? Ne faut-il pas imaginer qu’à l’avenir, des salariés préfèrent une IA objective à un manager toxique ?

Ce remplacement interroge autant sur la domination problématique d’une intelligence artificielle que sur le management lui-même. Devant le désengagement massif des salariés dans les entreprises, il n’est pas difficile de pointer du doigt la responsabilité criante de ceux qui discréditent le véritable management par un comportement injuste ou odieux…

Maître ou serviteur ?

Une IA à la place d’un supérieur hiérarchique est-elle pensable ? Cela serait accepter qu’elle soit douée d’autorité sur les êtres humains et puisse exiger d’eux leur obéissance, même en cas de conflit. Une telle éventualité est en totale contradiction avec la primauté de l’être humain sur la machine. Ce qui resitue la dimension réelle de l’IA comme aide à la décision et non comme autorité incontestable.

En resterons-nous là ?”


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