Mémoire, mort et transmission : récits d’un métier qui éclaire nos origines – Grégoire Deshoulières, généalogiste successoral

3 Oct, 2025 | FAMILLE, SOLIDARITÉS & SOCIÉTÉ

Généalogiste successoral, Grégoire Deshoulières exerce un métier méconnu, à la croisée de l’enquête, de l’histoire et de l’intime. Sur les traces des héritiers oubliés, il navigue entre silences familiaux et révélations bouleversantes. Focus sur un métier riche en humanité, où chaque dossier raconte une histoire ; parfois belle, parfois douloureuse, mais toujours profondément humaine.

Un article et une vocation nait

Grégoire Deshoulières, généalogiste successoral : “Je suis généalogiste successoral depuis 20 ans et j’ai lancé mon entreprise il y a six mois, à Tours. Je suis marié et père d’une petite fille de quatre ans.

J’ai découvert ce métier en tombant sur un article dans Le Point très jeune. Il parlait d’une succession compliquée, celle d’une artiste – la maîtresse de Picasso – et qui avait laissé un patrimoine assez important, comprenant notamment des œuvres de Picasso. Le notaire était totalement bloqué pour régler la succession et a donc fait appel à une société de généalogie pour retrouver les héritiers en France et ailleurs. J’ai trouvé ça fascinant. Plus tard, en faisant des études d’histoire, cet article m’est revenu en tête. J’ai trouvé un stage dans un cabinet et c’est comme cela que c’est devenu mon métier.

Généalogiste successoral : un métier passion

Tout le monde peut devenir généalogiste : il n’y a pas de diplôme requis. Mais il faut être passionné et motivé parce que c’est un métier exigeant. On se forme sur le tas, grâce à d’autres professionnels, via des stages. On demande souvent un bac +3 en histoire, en droit, ou les deux. Mais les profils sont très variés. Ce qui compte, c’est la rigueur… et la curiosité.

Généalogiste : deux métiers distincts

Il y a deux types de généalogie. La généalogie familiale, celle grâce à laquelle où on cherche ses ancêtres, ses origines. Ce sont les particuliers qui sollicitent ce service.

Et puis il y a la généalogie successorale, dans laquelle on cherche des vivants, pas des morts. Des gens qui peuvent hériter, quand un notaire ne parvient pas à identifier les héritiers d’un défunt. Souvent, ce sont des dossiers particuliers : des personnes mortes isolées, à cause parfois d’une rupture familiale importante.
Et notre travail, c’est de reconstituer l’arbre, de retrouver les branches oubliées et les héritiers qui ne connaissaient pas leurs droits dans la succession.

Mort, argent… et drames familiaux

On travaille principalement sur deux thématiques – pas les plus simples : la mort et l’argent. Et dans toutes les familles, ces deux sujets créent des tensions ! Parce que tout le monde n’a pas eu la même relation avec le défunt ; il peut exister des jalousies, des blessures…

Les généalogistes successoraux ont souvent un rôle de médiateur. C’est important de rester neutre, d’apaiser, de trouver des solutions. Parce qu’à la fin, il faut partager la succession équitablement.

Des secrets révélés

Dans ce métier, on découvre aussi beaucoup de secrets de famille. Des choses tues, oubliées, ou carrément effacées. Je découvre parfois qu’un défunt s’était marié en premières noces, et que personne ne le savait. Ou qu’un enfant est mort en bas âge et qu’on n’en parlait plus. Ce sont des morceaux de vérité qu’on recolle, doucement.

Et on n’a pas le droit à l’erreur ! Quand un neveu me dit qu’il n’avait que trois oncles, et qu’on découvre ensuite une tante cachée, partie loin, avec des enfants… ces enfants-là héritent aussi. Et ça change non seulement la part d’héritage mais aussi évidemment l’existence des personnes.

Quand on prend contact avec la famille et que l’on pose des questions, on ne sait pas toujours que les informations que l’on a trouvé sont des secrets de famille. Il faut agir avec tact et révéler les informations en douceur. Parfois, les héritiers sont dans le déni, ou bouleversés par ce qu’ils apprennent. Pour ceux qui étaient déjà au courant, que cette information sorte représente souvent un soulagement. Pour les autres, c’est un choc.

Mon conseil : communiquer le plus possible au sein des familles !

Généalogiste successoral : apaiser et réunir

Ce que je préfère dans mon métier, c’est la dimension humaine ; les histoires émouvantes ou dramatiques dans lesquels nous sommes plongés. Mon métier permet de réunir les familles, mettre du lien et du liant entre les héritiers ; parfois, ça donne des cousinades qui se reforment. Parfois, juste un silence plus apaisé.

Et puis il y a ceux qui cherchent leur identité. Des enfants adoptés, placés, qui avaient des trous immenses dans leur histoire. Pour eux, on apporte des réponses très concrètes. Et parfois, très dures à encaisser. Quand on leur révèle leur vraie identité, leur filiation, leur nom… c’est bouleversant. À la suite de ces révélations, chacun fait son chemin. Et notre rôle est de nous effacer.

Préparer sa mort, c’est aussi préserver la paix

Avec le temps, j’ai changé de rapport à la mort. Je l’envisage de façon plus sereine. Parce qu’elle fait partie de notre quotidien à tous. Une chose, cependant, me frappe : la mort, quand ça n’est pas prématuré, elle se prépare.

Elle se prépare en transmettant des biens matériels, évidemment, mais pas seulement ; nos valeurs, nos histoires, notre amour aussi.

Pour éviter les conflits, un testament est important, tant pour les objets de valeurs que pour ceux à forte valeur sentimentale. Dire que telle chose reviendra à tel enfant parce qu’il y a une histoire derrière… ça peut éviter bien des blessures.

Préparer sa mort, c’est protéger ses proches. C’est permettre à la famille de rester soudée, de garder de bonnes relations. Et c’est ça, au fond, qui compte.

« Vivez votre vie, aimez, et transmettez »

Ce que ce métier de généalogiste successoral m’a appris ? Qu’il faut vivre pleinement. Dire à ses proches qu’on les aime. Faire des projets. Les réaliser. Et surtout, profiter. Parce que la mort peut arriver n’importe où, n’importe quand.

Et en attendant, parlez. Transmettez. Faites de la généalogie. C’est le deuxième hobby préféré des Français, ce qui est très révélateur : c’est une manière de se relier à ses racines. Et au fond, à soi-même !”


Vous voulez creuser le sujet ? On vous propose de découvrir Mourir pauvre et en paix : réflexions d’un notaire sur l’héritage, la transmission et les familles

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