Penser l’avenir autrement avec Gilles Hériard Dubreuil #ReplayWebinar

19 Sep, 2025 | L'ÉCOLOGIE HUMAINE, WEBINAR

Et si nous changions de regard sur le monde qui vient ? Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine et Gilles Le Cardinal, professeur émérite en sciences de l’information, partagent les pépites qu’ils ont extraient du livre de Gilles Hériard Dubreuil : Après les temps modernes : édifier ensemble le monde qui vient. Paru en mars 2025, deux ans après la mort de l’auteur, cet ouvrage interroge notre manière de penser le passé, le présent et l’avenir et nous ouvre des perspectives réjouissantes pour l’époque qui n’a pas encore reçue de nom.

Qui était Gilles Hériard Dubreuil ?

« Pour moi, c’était un homme libre, responsable et compétent, avec une palette d’intérêts allant du voisin de palier au niveau international. »

C’est par ces mots que Gilles Le Cardinal décrit son ami. Gilles Hériard Dubreuil n’était pas simplement un intellectuel : il était un homme de terrain, un homme d’engagement, capable d’une profondeur de réflexion rare et d’une exigence bienveillante, comme le souligne Tugdual Derville :

« Il avait ce mélange de confiance et d’exigence. Il croyait au potentiel des personnes, mais savait aussi les secouer quand il sentait qu’elles stagnaient. »

Même dans la maladie, Gilles Hériard Dubreuil n’a jamais cessé d’approfondir sa pensée. Il disait : « Je suis devenu Fra’Gilles. » Et cette fragilité, loin de l’amoindrir, l’a accompli.

Un livre puissant sur l’après-modernité

Le livre de Gilles Hériard Dubreuil (préfacé par Tugdual Derville), s’inscrit dans le prolongement du travail de Romano Guardini et porte un titre qui lui rend hommage : Après les Temps modernes.

« C’est un diagnostic d’une précision intense. Il reconnaît les bienfaits de la modernité, mais en analyse aussi les conséquences catastrophiques. »

L’approche de Gilles Hériard Dubreuil ne rejette pas en bloc les bienfaits apportés par la Modernité, mais met en lumière ses dérives, notamment une erreur anthropologique profonde : la réduction de l’humain à un simple consommateur ou travailleur, incapable de coopération désintéressée.

« Il nous rappelle que l’humain est un être de relations, avec la nature, avec les autres et avec une forme de transcendance. »

Il invite donc à réhabiliter l’intuition, la poésie, la spiritualité et l’esprit de finesse, autant de dimensions que la modernité a mises de côté.

Théorie et pratique : sur les territoires contaminés par Tchernobyl

Un moment fondateur dans la vie de Gilles Hériard Dubreuil fut sa participation au projet européen Ethos, dix ans après l’accident de Tchernobyl. Il s’agissait d’aider les populations biélorusses à continuer à vivre sur leurs terres contaminées, en partenariat avec quatre équipes pluridisciplinaires. L’originalité de la méthode adoptée par Ethos consistait à considérer les habitants comme les experts de leur territoire et de travailler avec eux à la recherche de solutions pour améliorer leurs conditions de vie permettant d’éviter les conséquences catastrophiques de la radioactivité sur la santé de la population et surtout sur celle des enfants.

Quelle a été l’approche adoptée par Gilles Hériard Dubreuil ?

Gilles Hériard Dubreuil a choisi la méthode de l’enquête sociale introduite par Dewey, qui a été adaptée pour le projet ETHOS. Elle repose principalement sur l’écoute. Elle consiste à écouter toutes les parties prenantes et construire un diagnostic précis de la situation, de ses atouts et de ces dangers, notamment en identifiant les peurs et la co-construction de solutions réalistes et durables avec les personnes concernées

Un exemple marquant : celui d’Anna, une mère de famille qui voulait donner du lait non contaminé à son enfant. Après avoir mesuré la radioactivité du biberon qu’elle venait de donner à on enfant, 20 fois supérieur à la norme, elle nous a posé la question suivante : “Si je donne du foin propre à ma vache, dans combien de temps son lait sera-t-il décontaminé ?”
Nous n’avions pas la réponse à cette question, mais nous avions un moyen d’y répondre : procurer du foin propre à Anna pour qu’elle fasse elle-même les mesures. Grâce à un travail collectif rigoureux, elle s’aperçoit que son lait est dorénavant dans la norme en seulement  2 jours !

Elle finira par présenter, avec d’autres femmes, une communication scientifique à l’Académie des sciences de Minsk. C’est une découverte incroyable portée par une paysanne.

Musique, peinture… : prise en compte de l’humanité intégrale

Gilles Hériard Dubreuil n’était pas seulement un intellectuel. Il savait aussi rassembler les hommes, en développant leur humanité intégrale.

« À 22 h, après une journée de travail intense, il nous faisait chanter en chœur pendant une heure. Il nous a appris à chanter à quatre voix ! »

Cette pratique culturelle, que ce soit à travers le chant, la peinture ou la visite d’expositions, faisait partie de son approche : reconnecter le cerveau gauche et le cerveau droit, la raison et l’émotion, la logique et le sensible.

Une vision révolutionnaire de l’expertise dans la gestion des communs

« Un expert, c’est quelqu’un qui passe beaucoup de temps sur une chose. »

Dans la pensée de Gilles Hériard Dubreuil, nous sommes tous chercheurs, tous capables d’améliorer le monde, chacun avec sa propre expertise. Il revisite le rôle de l’expert : non pas imposer des solutions, mais accompagner les populations vers leurs propres réponses.

Il valorise le concept des communs : ces biens ou espaces partagés, gérés collectivement, où la coopération prend tout son sens.

« Contrairement à ce que prétendent les ultralibéraux, les humains peuvent s’agréger, coopérer, construire ensemble. »

Comment lire ce livre “Après les temps modernes” ?

« Lisez avec un crayon à la main. Notez, surlignez, revenez-y. Ce n’est pas une lecture paresseuse ! »

Les intervenants sont unanimes : ce livre contient plusieurs livres. Il demande une lecture engagée, à la fois intellectuelle et existentielle.

« Il vous fera changer de lunettes. Il peut changer votre regard sur le monde, et même votre manière de vivre. »

En guise de conclusion

« Rien de ce que vous faites n’est dérisoire. »

Cette phrase résume bien l’esprit du livre. Pour Gilles Hériard Dubreuil, le changement ne viendra pas d’en haut, mais d’une prise de responsabilité de chacun à son niveau : dans sa copropriété, son quartier, son école, son village.

« Il nous invite à une culture démocratique vivante. Il ne s’agit pas de juste à critiquer les systèmes, mais à s’impliquer. »

« Il nous faut passer d’un monde d’objets à un monde de relations. »

Cette phrase, répétée par Gilles Hériard Dubreuil pendant sa maladie, pourrait être le fil rouge de tout son travail. Une invitation à remettre la relation au centre, à reconnecter ce qui a été séparé : l’humain, le vivant, le spirituel.

« Il ne prétend pas que l’humanité va s’en sortir. Il affirme qu’elle peut le faire. »

Ce livre est un testament, un appel, une source d’espérance. Et surtout, un outil de transformation personnelle et collective.


Pour aller plus loin, découvrez l’interview de Gilles Hériard Dubreuil sur son livre “Après les temps modernes”.

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