Plantez des haies !

1 Août, 2023 | AGRICULTURE, ENVIRONNEMENT, NATURE & ENVIRONNEMENT

Willy Guillet est chargé de mission au sein de Jura Nature Environnement, une association de protection de la nature à l’échelle départementale. Il accompagne notamment communes, agriculteurs, particuliers et entreprises dans leurs démarches de plantation de haies. Il raconte ci-dessous en quoi c’est un sujet stratégique.

“Observez autour de vous la diversité des arbres, découvrez la grande activité biologique qu’il peut y avoir dans les haies !”

Willy Guillet

Planter, déplanter, replanter des haies : l’histoire de notre agriculture

Willy Guillet, chargé de mission au sein de Jura Nature Environnement : “Il faut rappeler en préambule que la haie est créée par l’homme ; depuis des siècles, les paysans plantent et entretiennent les haies pour délimiter les parcelles à cultiver et prélever du bois d’œuvre ou de chauffage.

Mais au cours du siècle dernier, le paysage agricole s’est largement modifié ; la déprise agricole a accru l’agrandissement des fermes et les remembrements ; les plans pour l’autonomie alimentaire du pays ont requis l’usage de machines agricoles de plus en plus grandes et lourdes ; dans ce contexte, les haies des bocages ont semblé d’un autre âge et ont été arrachées.

Or, on réalise aujourd’hui que leur présence en bordure de champ bénéficie à la biodiversité et pourvoie de nombreux services écosystémiques… Il est donc largement temps de replanter des haies sur nos territoires !

Des volontaires participent au plantage de haies

Qu’appelle-ton “haie”, précisément ?

Une haie est composée d’éléments ligneux comme les arbres, les arbustes, voire même les ronces. C’est donc un élément boisé linéaire, composé de différentes strates et diverses essences. On considère que la largeur maximale d’une haie est de dix mètres. Elle doit aussi être bordée de deux espaces ouverts, non boisés, sans quoi il s’agit d’une lisière.

On différencie une haie champêtre – constituée d’une ou plusieurs dizaines d’essences d’arbres et d’arbustes – d’une haie d’ornement que l’on trouve dans les jardins ou en ville. Les haies d’ornements, ou brise-vue, sont généralement monospécifique : thuyas, troènes ou lauriers. La présence d’une seule variété a malheureusement un effet limité d’un point de vue écologique. On recommande donc aussi aux particuliers de privilégier les haies champêtres.

En fait, on crée rarement la même haie d’un endroit à l’autre. On cherche plutôt à l’adapter à la situation géographique, aux enjeux agricoles, écologiques, aux attentes concernant la hauteur et la longueur souhaitées. Si l’objectif est d’abord de favoriser les auxiliaires et les pollinisateurs, on y incorporera beaucoup de plantes à fleurs ; si l’objectif est d’avoir un brise-vent ou une zone d’ombrage, on y insèrera une plus forte proportion d’arbres de haut-jet. On a la chance d’avoir à notre disposition un très large panel d’essences autochtones, de végétaux sauvages, qui nous permet de planter des haies très diversifiées.

Les fonctions agroécologiques de la haie

La haie présente de multiples avantages, tant pour la production agricole qu’en termes de biodiversité.

D’un point de vue agronomique, les haies jouent un rôle de brise-vent, ce qui protège les cultures, le vent engendrant notamment l’évapotranspiration des plantes et l’assèchement du sol.

Les haies présentent un réel bénéfice en termes d’ombrage, ce qui est important pour les plantes mais surtout pour les animaux. Les éleveurs apprécient beaucoup leur présence lors des étés caniculaires ! L’arbre permet de limiter l’érosion des sols, d’y recréer de la matière organique en produisant feuilles et branches qui vont se décomposer et activer toute une vie biologique.

En termes de biodiversité, la haie joue un rôle majeur pour la recréation de corridors écologiques – appelés trame verte et bleue (TVB). Cela permet aux espèces de se déplacer – les grands mammifères pouvant ainsi traverser des espaces agricoles ouverts en longeant les haies et les insectes, à leur échelle, s’y reposant, y déplaçant le pollen et favorisant le brassage génétique de la biodiversité locale. Les haies connectent les espaces naturels ; sans elles, certaines populations vivraient complètement séparées.

Au sein de la biodiversité, un certain nombre d’espèces jouent un rôle positif pour la production agricole (pollinisateurs, prédateurs des ravageurs, etc.). On les appelle les espèces auxiliaires et on peut favoriser leur présence à l’aide de pratiques agricoles ou de choix spécifiques au moment de l’implantation.

Les arbres, régulateurs d’eau

La présence d’arbres favorise la bonne gestion de l’eau sur un territoire. Drain naturel grâce à ses racines, la haie permet aux eaux superficielles de réapprovisionner les nappes phréatique. Le système racinaire des arbres permet en outre la filtration et l’épuration de l’eau en absorbant les nutriments, minéraux et autres polluants se trouvant en excès dans les eaux de ruissellement.

Par ailleurs, la présence d’arbres régule le cycle de l’eau. Véritables éponges en période humide, ils restituent cette eau à travers l’évapotranspiration et leurs racines en temps de sècheresse. À l’échelle de très grands massifs forestiers, on observe même des phénomènes de génération de pluie grâce aux arbres.

Savez-vous planter des haies ?

Planter une haie requiert patience et persévérance. Plus on les plante tôt pour répondre à une problématique spécifique, mieux c’est car il faut parfois attendre plusieurs années avant d’en récolter les bénéfices. Par exemple, il faut au moins une dizaine d’années avant d’obtenir un effet brise-vent.

La première étape pour planter une haie est de préparer le sol. Pour planter un arbre, il faut un sol décompacté où il pourra facilement créer un système racinaire. On peut préparer le sol mécaniquement à l’aide d’outils agricoles pour décompacter en profondeur. En anticipant le projet, ce décompactage peut également être réalisé naturellement, grâce à un conséquent paillage les années précédentes.

L’étape suivante consiste à mettre en terre des plants de bonne qualité. Il faut être très attentif aux conditions d’implantation, notamment entre la sortie de terre des plants – issus d’une pépinière ou autre – et leur plantation dans la future haie. Les premières années, il faut pailler pour conserver l’humidité et limiter la concurrence avec l’herbe.

L’été suivant la plantation, si le sol n’est pas assez humide, il faut apporter de l’eau : l’arbre ne peut pas encore aller en chercher seul. Privilégier l’apport d’une grande quantité d’eau une fois de temps en temps, comme s’il y avait eu un gros orage, pour que l’eau s’infiltre en profondeur. L’objectif est d’inciter l’arbre à créer des systèmes racinaires en profondeur de façon à aller chercher l’eau et éviter la concurrence avec la végétation herbacée et les cultures.

Il faut aussi considérer le sujet des plants de haies et des arbres issus de pépinières. Au sein des territoires, on travaille à recréer des filières locales de plants pour obtenir des plants adaptés à nos sols et nos climats. La marque nationale Végétal Local, vieille d’une dizaine d’années, identifie différentes zones biogéographiques en France. Chaque zone comprend des animateurs de filières qui récoltent des graines d’arbres locaux sauvages et qui travaillent avec des pépinières labellisées pour cette marque. Cette démarche garantie notamment la diversité génétique des arbres plantés.

des volontaires participent au plantage de haies.

Quelles ressources pour planter des haies ?

La plantation de haies requiert un investissement humain et / ou financier assez important. Le coût varie évidemment si l’on fait appel à des prestataires extérieurs ou si l’on plante sa haie soi-même. On estime un budget de 10 à 20 € du mètre linéaire, en incluant l’ensemble des frais.

À savoir : pour aider aux plantations de haies, il existe des financements régionaux ou nationaux. On peut également trouver des associations qui se déplacent avec des bénévoles pour planter des haies.

Existe-t-il des législations spécifiques sur les haies ?

D’un point de vue législatif, les haies peuvent être protégées si elles hébergent des espèces spécifiques – en particulier des oiseaux qui y font leur nid. La protection légale de ces espèces s’étend à leur habitat – donc aux haies. Il n’y a cependant pas de réglementation propre aux haies pour leur protection au niveau national. Les administration recommandent des dates d’intervention (taillage, etc.) pour ne pas perturber les espèces en période de reproduction. En général, cela concerne la période entre mi mars et août.

La Politique Agricole Commune (PAC) a une règle similaire qui incite à l’entretien des haies mais l’interdit entre le 15 mars et le 15 août. Malgré tout, ce n’est qu’une incitation, aucune loi ne place réellement d’obligation à ce niveau.

Régénération naturelle

Si la plantation de haies requiert un travail humain, on se rend compte à l’usage qu’une haie peut également survenir naturellement, via la régénération naturelle assistée. Il suffit de mettre en défens les espaces où l’on souhaite voir revenir une haie et on la laisse se développer par elle-même. On sait qu’il y a un stock de graines dans les sols, que les oiseaux vont en déplacer d’autres, et qu’un arbre qui va germer spontanément poussera plus rapidement qu’un arbre planté.

Selon les contextes (type de sol, environnement proche, historique de la parcelle) et les attentes de nos interlocuteurs, on recommande une plantation ou une régénération naturelle. Mais ce n’est pas toujours facile d’accepter de ne rien faire quand on est agriculteur, même si c’est moins énergivore et moins coûteux !”

Vidéo de Jura Nature Environnement sur les haies

Sources : photos : JNE (Jura Nature Environnement) / vidéo : JNE / Dole Environnement

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