Le consommateur a-t-il conscience du fait que de l’utilisation quotidienne qu’il fait de l’énergie, dépendent les stocks d’énergie pour les années futures ? Il s’agit d’un véritable défi posé à la société ; celui d’avoir recours à un usage toujours plus raisonnable et juste de l’énergie.
La dépendance aux énergies fossiles (80% de l’énergie consommée mondialement) est une donnée structurelle qui a marqué le XXème siècle et va continuer de marquer le XXIème siècle. Les alternatives possibles s’accompagnent de contraintes en volumes ou de par leurs coûts. Déjà au moment du choc pétrolier de 1973, la presse abondait en articles vantant les perspectives offertes par le solaire ou la géothermie. 40 ans plus tard, les « nouvelles » énergies renouvelables[i] représentent cependant toujours moins de 1% de l’énergie mondiale en équivalent primaire.[ii]
QUELLES SONT AU JUSTE LES LIMITES PHYSIQUES EN JEU ?
Si le problème énergétique est d’abord fossile, il s’agit alors d’un problème de stocks limités. Le graphique ci-dessous en fournit l’état des lieux actuel.
Réserves et ressources[iii] mondiales 2011 de pétrole/gaz/charbon (milliards (mds) de tonnes équivalent pétrole (TEP))[iv] :
Source: German Federal Institute for Geosciences and Natural Resources (BGR)
Or, les limites des stocks actuels sont très contraignantes. D’une part car les niveaux de consommation sont élevés par rapport aux réserves, d’une autre parce que la consommation mondiale continue d’augmenter, tirée notamment par la demande de pays émergents encore bien éloignés du niveau de vie des pays développés.
« Dans tous les cas, le plafonnement de la production de chaque énergie fossile comporte des risques sociaux et économiques importants, auxquels il faut se préparer. »
On a produit environ 4,4 mds tonnes primaires de pétrole en 2011 dans le monde (40% de l’énergie totale), 3,7 mds tonnes de charbon (33%) et 3,0 mds tonnes de gaz (27%). Pour donner un ordre de grandeur, cela signifie que les réserves de pétrole (215 mds TEP) représentent seulement 50 années de consommation à ce rythme. Il s’agit de 60 années pour le gaz et 140 pour le charbon. Si on rajoute la totalité des ressources (la partie non prouvée ou actuellement non exploitable des stocks estimés), on parvient seulement à 150 années pour le pétrole et un peu moins de 300 pour le gaz, ce qui reste en outre, un maximum peu probable.
Bien entendu, cela ne signifie pas que la consommation des réserves va rester stable jusqu’à chuter brutalement à zéro la dernière année. Un plateau suivi d’une baisse progressive est un scénario bien plus réaliste. Dans tous les cas, le plafonnement de la production de chaque énergie fossile comporte des risques sociaux et économiques importants, auxquels il faut se préparer.
LES CONTRAINTES LES PLUS IMPORTANTES CONCERNENT LE PÉTROLE
Le problème le plus aigu concerne le pétrole qui représente 40% de l’énergie mondiale et près de 100% dans les transports par exemple, alors que c’est aussi l’énergie fossile la plus fortement sous contrainte. Le pétrole déjà produit en 2011 représentait 160 mds TEP (1200 mds barils). Les réserves prouvées atteignent 215 mds TEP (1600 mds barils) et les ressources 465 mds TEP au maximum (3400 mds bl). Cela équivaut à des réserves ultimes entre 2800 et 6200 mds/bl grand maximum ! Les scénarios de plateaux possibles se présentent alors de la manière décrite par le graphique ci-dessous.
Scénarios de plateaux possibles dans la production de pétrole pour des réserves ultimes situées entre 2800 et 5200 mds de barils :
Source : The Shift Project
« Le problème le plus aigu concerne le pétrole qui représente 40% de l’énergie mondiale et près de 100% dans les transports par exemple, alors que c’est aussi l’énergie fossile la plus fortement sous contrainte. »
UN DÉFI TECHNIQUE ET SOCIAL MAIS SURTOUT UN DÉFI POSÉ A NOTRE LIBERTÉ
Les stocks d’énergies fossiles sont donc suffisants pour permettre une grande variété de choix de société et de choix individuels, sans être toutefois présents en quantités suffisantes pour nous rendre tout-puissants. Nous avons par exemple la possibilité de détruire le climat ou de le préserver, mais pas celle de le détruire puis de le restaurer. Nous avons aussi la possibilité de gaspiller l’énergie sans que ce mode de vie ne soit pour autant généralisable.
L’abondance énergétique peut alors exercer sur nous un pouvoir de fascination trompeur. En réalité, nous sommes face à une véritable alternative entre le matérialisme et son dépassement sur le plan culturel, philosophique et spirituel. A la différence du Docteur Faust, sommes-nous capables de reconnaître que tout ne doit pas être soumis au monde matériel, les finalités de la vie humaine plus particulièrement?
Ni potion magique, ni potion amère « en soi » (au contraire), l’accès aux énergies fossiles s’avère donc en premier lieu être un défi posé à notre liberté : celui de choisir librement de faire ou non un usage raisonnable et juste de l’énergie, que ce soit sur un plan personnel comme sociétal.
[i] Energies comprenant notamment la géothermie, le solaire ou l’hydroélectricité, et qualifiées de « nouvelles » par opposition aux énergies renouvelables plus significatives que sont la biomasse (à savoir surtout le bois) et l’hydroélectricité (respectivement 10% et 2,5% de l’énergie mondiale en 2010 en incluant les déchets).
[ii] Source : AIE, Key World Energy Statistics 2012.
[iii] A la différence des réserves prouvées les ressources sont :
– Prouvées mais non exploitables pour des raisons économiques et/ou techniques.
– Non prouvées mais possibles (Géologie) et potentiellementexploitablesà l’avenir.
[iv] Totalité des pétroles et gaz conventionnels et non conventionnels. Les pétroles non conventionnels comprennent les sables bitumineux, le pétrole extra-lourd, l’huile de schiste et les schistes bitumineux. Les gaz non conventionnels comprennent le gaz de schiste, le gaz de réservoir étanche, le méthane de houille, le gaz en aquifère et les hydrates de gaz. Concernant les réserves prouvées de gaz de schiste, seuls les États-Unis sont pris en compte.
Bonjour,
Le raisonnement basé sur la durée attendue de l’exploitation des gisements connus est intéressant et normal. Il faut se poser ces questions.
La difficulté est que j’ai déjà lu ce raisonnement il y a 30 ans, sans pouvoir redonner les références. Aujourd’hui nous devrions être obligés de baisser notre consommation selon ces prévisions. Cela complique l’approche du problème et la réception des messages.
Le raisonnement basé sur les stocks a effectivement des limites.
L’idée d’une limitation des biens mondiaux est une approche qui n’est pas innocente. Si les ressources sont limitées, alors nous devons élaborer un système de contrôle des comportements humains, de nos désirs.
Ce n’est pas nouveau. Depuis des siècles, les idéologues cherchent un tel moyen “moral” de contrôle des humains.
Cette forme d’écologie est un peu ce qui pouvait arriver de mieux au socialisme et d’autres formes de messianismes. Il faudrait imaginer qu’à la découverte du pétrole ou du charbon, un politicien écolo s’en soit mêlé, et qu’il ait convaincu tout le monde, à cette époque, de ne pas s’en servir afin de les “économiser” pour les générations futures, pour la nôtre, par exemple. Au jugement dernier le Seigneur convoque ces rabat-joies et leur demande ce qu’ils avaient fait de leur talent. Ils Lui répondent qu’ils ont géré pour éviter le gaspillage des réserves de pétrole et de charbon fournies par le Seigneur pour les générations futures. Et pendant ce temps les gens ont vécu dans des conditions épouvantables. Comme à l’homme qui avait reçu un talent, le Seigneur leur dirait : “Éloignez-vous de moi, à quoi croyez-vous que serviraient ces ressources mises à votre disposition ? À quoi sert la cervelle que je vous ai donnée ?”.
Si on prenait tous les biens de la terre pour les redistribuer équitablement selon quelque règle (qui aura quoi ? Bonne question – ceux qui ont le pouvoir auront sans doute une meilleure part), tout le monde deviendrait plus pauvre, riches comme pauvres. La théorie de la redistribution, comme Bertrand de Jouvenel l’écrit dans son célèbre ouvrage, est inepte. Si nous voulons vraiment aider les pauvres à sortir de la pauvreté, la première chose à faire est de cesser tout discours sur la redistribution, qui, au fond, est une variante de l’envie. Il faut chercher ailleurs, innovations, économies, incitations, justice équitable, vertu, loi du marché, culture, croissance.
La redistribution, tout comme la frugalité, ne sont pas un nouvel art de vivre qui résoudrait la question de la sécurité alimentaire mondiale, ni une mesure de solidarité avec les générations futures.
C’est un jésuite américain qui fait cette analyse, le Père Schall… Et ce n’est pas faux.
N’oublions pas que le Compendium de la doctrine sociale de l’Église parle de “processus productif d’élaboration technique et économique des ressources disponibles et naturelles”. C’est donc que le concept de ressources naturelles est inséparable de la “capacité de programmation et d’imagination de l’homme”.
Soyons raisonnable, nous le savons maintenant, si tous les hommes de la terre consommaient comme les les occidentaux, (ils y aspirent) les ressources fossiles seront assez vite limitées, c’est ce que dit Guillaume Emin, et vite épuisées ensuite. Donc on peut croire au miracle énergétique la fusion nucléaire par exemple, pourquoi pas, mais pour l’instant aucune énergie de remplacement aussi intéressante n’existe. Nous consommons nos économies, comme nos différents et précédents gouvernements, nous voyons où ça nous mène. Sans compter sur les coûts probables du dérèglement climatique, et l’augmentation considérable (grâce aux progrès de la médecine) de la population mondiale.
Nous oublions trop souvent que près d’un milliard de nos frères ne mangent pas à leur faim.
Michel