Le chimpanzé, pas si fréquentable

1 Fév, 2022 | NATURE & ENVIRONNEMENT

Notre plus proche cousin utilise des outils comme nous. Comme nous, il est capable de livrer des guerres de conquête totales. À n’approcher qu’avec prudence : le primate est aussi musclé que vif.

Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine : “Selon les lois de l’évolution, nous ne descendons en rien des singes, puisque nous sommes contemporains. Mais nous avons un ancêtre commun, et l’observation des grands primates, nos cousins les plus proches, est à la fois fascinante et instructive.

Africain, et, hélas très menacé, le chimpanzé dit « commun » dépend des forêts primaires où il vit en bandes organisées autour d’un chef, un mâle. Les bonobos, chimpanzés plus petits, sont dominés par une femelle.

Réputé pour son intelligence, le chimpanzé est l’un des rares animaux qui se reconnait dans une glace. La découverte de son utilisation d’outils – certes rudimentaires – et de la transmission de ce savoir aux jeunes a perturbé notre définition de l’homme et de sa culture. Les primatologues, dans l’élan de la célèbre Jane Goodall, ont dénombré plus de soixante outils ! Les chimpanzés choisissent des brindilles pour atteindre et capturer dans leurs trous fourmis et termites ; ils se fabriquent aussi des semelles ou des coussins végétaux pour protéger leurs plantes de pieds ou leur postérieur d’un sol mouillé. Le singe n’a pas les fesses développées comme nous, mais nous partageons avec lui une articulation des épaules et (aux membres supérieurs) le fameux « pouce opposable » qui rappellent que nos ancêtres se balançaient de branche en branche comme seuls nos gymnastes le font encore.

Frugivores, les chimpanzés sont aussi – comme nous – d’efficaces chasseurs de viande en meute. Ils raffolent d’un ravissant petit singe arboricole nommé colobe. De bruyants chimpanzés rabatteurs s’entendent avec des piégeurs à l’affut pour venir à bout de l’agilité de leur proie. Ils en dégustent en priorité le cerveau, surtout ceux des juvéniles. Des anthropologues en déduisent que l’alimentation carnée – avec préférence pour les morceaux riches en graisse – peut expliquer notre propre évolution.

Jane Goodall s’attendrissait de la pratique rituelle de l’épouillage des singes qui renforce leurs liens intra-communautaires. Attachée aux chimpanzés et interagissant avec eux – elle avait donné un nom à chacun. Mais elle a réalisé avec horreur que ses amis pouvaient se livrer à des guerres d’extermination. En quatre ans, un des deux groupes qu’elle observait a éradiqué l’autre, pour prendre son territoire avant de refluer sous la menace d’un troisième… Sa description des corps à corps sanglants et du cannibalisme qui concluait certaines victoires est digne des pires cruautés humaines. La violence au sein des groupes de chimpanzés, et surtout entre leurs groupes, est naturelle. Confirmation en 2014, avec une étude portant sur une vingtaine de communautés de chimpanzés communs observés pendant un demi-siècle : 152 meurtres ! Et comme chez nous, les mâles sont les agresseurs 9 fois sur 10 et les victimes 3 fois sur 4.

En 2012, en Afrique du Sud un jeune chercheur américain en a fait les frais. Deux mâles chimpanzés qu’il étudiait dans leur enclos l’ont grièvement blessé, arrachant ses vêtements, l’amputant d’une oreille, de plusieurs doigts et d’un testicule et lui infligeant de multiples fractures. Tandis qu’il tentait de survivre à l’hôpital, sa mère, accourue à son chevet, déclarait : « Il aime ces animaux depuis qu’il est petit, et j’espère qu’il les aimera encore après cela. » M’est avis que c’est ce type de réaction qui distingue l’être humain de l’animal !”


Cet article est tiré de la Chronique Des Animaux et des Hommes (22/12/2021), produite et diffusée sur ktotv.

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