Lutter contre le gaspillage alimentaire : quelques idées

16 Oct, 2020 | CONSOMMATION

Le gaspillage alimentaire est une réalité qui semble ne plus choquer personne. Avec près de 115 kg de déchets alimentaires par personne et par an en Europe (25% de la nourriture produite) et jusqu’à 415 kg par personne et par an aux USA (42% des denrées alimentaires produites), ce sont 1.6 milliards de tonnes de déchets alimentaires qui sont jetés annuellement dans le monde (FAO). En cette journée mondiale de sensibilisation au gaspillage alimentaire, voici quelques start-up qui tentent de lutter contre ce gâchis !

Gaspillage alimentaire : une définition

Bien qu’aucune définition claire et précise n’ait encore été établie par les services publiques, on entend communément par gaspillage alimentaire « une réduction à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la production à la consommation, en quantité ou en qualité, de la nourriture qui était initialement destinée à la consommation humaine, qu’elle que soit la raison » (FAO – 2017). 

Cette définition inclut donc les denrées consommables sorties du circuit de production pendant la phase de récolte, stockage, transformation ou transport mais également la nourriture jetée ou pourrit au niveau du consommateur ainsi que les pertes dites inévitables : os, coquilles d’œufs, épluchures de légumes… (Buchner et al. 2012). À noter, la caractérisation de ces dernières varie selon les individus et les cultures. En effet, les rebuts alimentaires ne sont pas perçus par tous les peuples de la même manière ; là où un Européen verra une carcasse de poulet, un Mexicain y verra la base d’un bouillon ! On comprend donc facilement qu’il soit si difficile de proposer une définition commune à ce concept qui touche pourtant tous les continents. 

Aperçu de la situation mondiale

Avec environ un tiers de la nourriture produite pour la consommation humaine perdue ou jetée (1.6 milliards de tonnes), soit 51 tonnes par seconde (BCG – 2018), le gaspillage alimentaire est la première source de déchets à l’échelle mondiale. Si aucune mesure n’est prise d’ici 2030, la FAO estime que ce chiffre pourrait augmenter de 30 %, pour atteindre les 2.1 milliards de tonnes / an, soit 66 tonnes par secondes (FAO – 2017). 

L’augmentation considérable des déchets alimentaires est un mal largement répandu à l’échelle planétaire qui touche tous continents et toutes cultures. Seules varient les causes de ce gaspillage. En effet, ces dernières sont principalement liées à la chaîne de production et de stockage (technologies, infrastructures de stockage, systèmes de réfrigération et de transport) pour les pays en voie de développement alors qu’ils se produisent en grande partie pendant la phase de distribution et de consommation pour les pays développés.

Des start’up qui luttent

Too Good to Go et Phénix – en bout de chaîne

To Good To Go et Phenix sont deux start-up proposant aux structures marchandes des services pour lutter contre le gaspillage alimentaire au stade de la distribution. 

Pour ce faire, ces applications pour smartphones proposent de mettre en contact les commerçants engagés et des utilisateurs volontaires pour que ces derniers récupèrent, en fin de journée, les invendus qui auraient autrement fini à la poubelle. Ce service permet donc aux commerçants de valoriser une dernière fois leurs denrées périssables et aux consommateurs d’avoir accès à des aliments frais, parfois bio et locaux, à moindre coût. 

Le contenu du panier diffère selon les jours et les commerçants : fruits, légumes, viandes, produits laitiers, condiments… l’offre est toujours très variée ! 

Avec plus de 2 500 commerçants partenaires pour To Good To Go et 600 supermarchés pour l’application Phenix, ces deux applications rencontrent un franc succès qui les encouragent à diversifier leur offre. 

Save eat – dans votre frigo 

Save eat est une start-up créée en 2016 par Dorothée et Isaure, deux jeunes étudiantes en dernière année d’école d’ingénieur. C’est en visionnant des reportages sur le gaspillage alimentaire et son impact sur la planète que ces jeunes femmes découvrent que le consommateur a une grande part de responsabilité dans ce gaspillage, avec pas moins de 20 kg de restes et de nourriture encore emballée jetés par personne et par an. 

Isaure et Dorothée décident alors de trouver une solution simple mais efficace pour faire face à ce gâchis et, après plusieurs mois de travail, créent la start-up Save eat et son application éponyme. Cette dernière propose différents services pour lutter contre le gaspillage alimentaire du « caddie à l’assiette des consommateurs ». 

Dans un premier temps, la start-up propose d’aider le consommateur dans la gestion de ses denrées périssables. Pour ce faire, ce dernier n’a qu’à renseigner dans l’application l’ensemble des produits alimentaires dont il dispose à son domicile ainsi que leurs dates de péremption. Selon ces informations, la plateforme aiguillera ses achats en magasin pour compléter ses placards et lui proposera des recettes adaptées pour ne plus rien avoir à jeter. Et les recettes, très sérieuses, ne manqueront pas de vous surprendre : croquettes de reste de coquillettes, muffins à la peau de banane, cannelloni aux verts de poireaux… Les bénéfices sont donc triples pour le consommateur : réduire ses déchets alimentaires, diminuer ses dépenses associées et surtout réaliser des plats innovants et originaux ! 

Dans un second temps, la start-up Saveat propose des ateliers de cuisine, de dégustation ou simplement des quizz sur le thème du gaspillage alimentaire. Des activités RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) à durée variable, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Le succès est au rendez-vous : Bio c’ Bon, ACCOR, Franprix, Galeries Lafayettes… de nombreuses sociétés ont expérimenté le service et semblent très satisfaites par la qualité de l’offre. 

Jette pas Partage – don ou collecte de denrées 

Jette pas partage est une association loi 1901 créée en février 2018 par Eric et Xavier Colas. Alors bénévoles de l’Unicef et UFC Que Choisir, les deux frères décident d’initier leur propre association de lutte contre le gaspillage alimentaire : Jette Pas Partage. 

Via une plateforme Internet et bientôt une application mobile, cette dernière propose de mettre en relation des particuliers avec des entreprises ou des associations pour re-distribuer des denrées périssables non consommées. 

Pour y participer, les contributeurs (particuliers ou entreprises) s’inscrivent sur la plateforme pour y enregistrer un don en renseignant : les types de produits proposés parmi une liste de choix (produits frais, fruits et légumes, produits congelés, produits secs, produits d’hygiène…) et la date, les horaires et le lieu de la collecte. Le volume de don est variable et peut aller du petit sac de courses à la palette de chargement des réseaux de grande distribution. 

Les particuliers et les associations, préalablement inscrits sur la plateforme, peuvent alors consulter les offres de dons en cours et se positionner sur l’une d’entre elles, s’ils le souhaitent. Bien qu’à l’heure actuelle le don aux associations ne soit proposé qu’en région Parisienne, Jette Pas Partage travaille activement sur le sujet afin d’étendre son réseau. 

Après deux ans et demi d’existence, Jette Pas Partage a mobilisé plus de 2 000 utilisateurs et réalisé près de 600 dons.

1001 Noyaux et Love Your Waste – revalorisation des déchets non consommables

La start-up 1001 Noyaux, soutenue par Rungis&Co, la structure d’accompagnement du Marché International de Rungis, a décidé de nouer des partenariats avec des grossistes afin de collecter leurs rebuts de fruits à noyaux et de revaloriser ces derniers dans la cosmétique. Fraîchement créée, la start-up se concentre pour le moment sur les noyaux de mangue en vue d’en créer un beurre de mangue, mais elle compte bien diversifier son offre dans les prochains mois. Cette structure, qui emploie principalement des personnes en réinsertion, oeuvre ainsi à revaloriser les déchets alimentaires inévitables. 

C’est également ce que propose la start-up LoveYourWaste en organisant des collectes de biodéchets auprès d’écoles, d’entreprises, d’hôpitaux et d’acteurs de l’agro-industrie, en vue d’une valorisation en biogaz ou en engrais. L’entreprise propose également des formations de sensibilisation pour réduire les gaspillages auprès de ces différentes structures. Après tout juste 3 ans d’existence, LoveYourWaste est surtout présente en région parisienne, avec de 60 clients et 300 points de collecte. 

Ca va trop loin ! 

Sommes-nous en train de perdre le sens premier du combat contre le gaspillage alimentaire, à force de technicité ?

Le cas d’Apeel, start-up Américaine lancée en 2012 grâce à une subvention de la Fondation Bill et Melinda Gates, pose la question. Elle propose de lutter contre le gaspillage alimentaire en recouvrant les fruits et les légumes frais d’une fine pellicule faite à partir d’ingrédients végétaux qui permet de limiter l’évaporation et de ralentir l’oxydation des produits. Selon son fondateur, James Rogers, ce concept permettrait de doubler voir tripler la durée de vie des produits, et ce sans besoin de réfrigération. 

L’innovation a grandement été félicitée aux États-Unis avec une large commercialisation et un important soutien tant financier (Fonds Souverains de Singapour, Powerplant, Upfront Ventures…) que médiatique (Katy Perry ou encore Oprah Winfrey). 

Commercialisés depuis 2019 dans des enseignes Allemandes et Danoises, ce revêtement est en test dans plusieurs structures anglaises depuis le début de l’année 2020 et la firme dit s’intéresser de plus en plus au marché français. Il est donc fortement possible que nous voyons apparaître ce concept dans nos rayons ces prochaines années. 

Si, sur le papier, cette innovation semble attirante pour lutter contre le scandale du gaspillage alimentaire, elle interroge tout de même sur le sens de notre rapport au monde et à la nature… et si nous limitions plutôt notre consommation, valorisions la frugalité heureuse, plutôt que de s’embarquer toujours plus loin dans des solutions techniques pour résoudre des problèmes générés par la société de consommation ?

Chacun à notre hauteur, faisons un petit effort !


Sources

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance