Le numérique, fossoyeur de la lecture ? #ChroniqueLLY

1 Sep, 2021 | ART & CULTURE, SCIENCES & TECHNOLOGIES

Face à la prolifération des écrans et aux problèmes de société posés par l’hyperconnexion, l’association Lève Les Yeux (LLY) part à la « reconquête de l’attention ». Yves Marry, cofondateur, propose des chroniques sur l’impact de la technique dans nos vies. Ci-dessous, il aborde l’épineux sujet du déclin de la pratique de la lecture chez les Français, au profit de l’usage du numérique.

Terreau fertile du langage, de l’imagination, ou encore de l’intelligence, la lecture nous élève. Elle forme ainsi l’un des socles de notre civilisation.

Yves Marry, cofondateur de l’association Lève les Yeux : “Une étude du Ministère de la culture a apporté une réponse fracassante : les Français lisent encore un peu, mais de moins en moins, et plus pour longtemps.” 

Pourtant les ventes de livres restent bonnes non ? 

Y. M. : “Certes, mais j’ai bien peur qu’il s’agisse d’une illusion d’optique. 

Toutes les générations lisent de moins en moins et, chez les jeunes, il s’agira bientôt d’une pratique du passé. Deux chiffres afin de se faire une idée plus précise :

  • 40% des Français ne lisent tout simplement jamais de livre (contre 20 % dans les années 70).
  • Seulement 10 % des jeunes de 15-24 ans sont des lecteurs assidus (20 livres par an), confirmant une baisse régulière depuis 50 ans.

À ce rythme, plus aucun jeune ne lira d’ici 2040… et c’est la mort programmée de la lecture.

De leur côté, la télévision se maintient à des niveaux hallucinants tandis que le jeu vidéo, lui, explose.”

Et faut-il vraiment s’inquiéter ? Certains voient dans le numérique une simple évolution de la culture, sans que cela soit une mauvaise chose pour la société ?

Y. M. : “Oui, et c’est précisément à cette forme de relativisme que je veux m’opposer ici. Pour reprendre les termes du théoricien américain des médias Neil Postman, je dirais même que, au moins en partie, la technologie détruit la culture, sous-titre de son ouvrage Technopoly paru en 1992 et traduit en 2019 aux éditions L’échappée.

Car non, la lecture ne vaut pas un jeu vidéo, elle en est même, à bien des égards, l’antithèse.

Terreau fertile du langage, de l’imagination, ou encore de l’intelligence, la lecture nous élève. Elle forme ainsi l’un des socles de notre civilisation. De son côté, la console de jeu nous excite, nous distrait, et comme tous les autres écrans d’après Sylvain Tesson, elle aplatit l’imagination. L’une renforce nos capacités cognitives en stimulant la mémoire et la capacité de concentration, permettant un meilleur sommeil, l’autre produit les effets exactement inverses, comme nombre d’études l’ont montré.

Aussi, face à ces constats, il ne faut pas avoir peur de remettre en cause certaines facettes du progrès technologique. La « révolution numérique » n’est pas « intrinsèquement » positive, ou même « neutre ». Elle a bien sûr nombre d’avantages, mais elle est devenue en partie dangereuse pour notre société.

Une conclusion de bon sens, par exemple, serait de mettre fin au déploiement irraisonné du numérique à l’école.”


Cette chronique a été diffusée dans la matinale du 7/09/2020 sur RCF.

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