Trouver son équilibre, même en temps de crise

14 Jan, 2023 | SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN

Comment trouver son équilibre, et tout particulièrement en temps de crise ? Éric Hubler, auteur-conférencier, créateur de la méthode Aïkido Management, propose quelques pistes issues de sa connaissance approfondie des arts martiaux.

“Tel l’équilibriste, chacun a son fil, sa propre voie à suivre pour découvrir son unicité et sa nature profonde. Il est donc vain de se comparer aux autres : on apprend avec les autres, parfois grâce aux autres, mais pas en cherchant à être comme les autres.”

Entre équilibre et déséquilibre

Une question se pose : le déséquilibre n’est-il pas le propre de l’humain ? Ce qui en fait son unicité ?

Éric Hubler, auteur-conférencier, créateur de la méthode Aïkido Management : “Cette question m’est régulièrement posée lors d’interviews : le déséquilibre n’est-il pas le propre de l’humain ? Il est effectivement normal et parfaitement humain de connaître le déséquilibre… Le contraire reviendrait, d’une certaine manière, à ne pas être humain !

Peut-être peut-on commencer par définir ce qu’est l’équilibre. Comme nous le définissons dans le livre « L’Équilibriste », l’équilibre est une « balance permanente entre des déséquilibres sans cesse exprimés et rattrapés. »

L’équilibre, c’est le « aï » de l’Aïkido, cette forme de justesse, d’harmonie, que l’on trouve à force de tâtonnements. Pour chaque situation, se demander : ai-je eu l’attitude juste, l’écoute juste, pris la décision juste, engagé l’action juste ? Puis corriger, rectifier, inlassablement, jusqu’à ressentir cette justesse qui s’installe et nous équilibre, amenant ce sentiment d’alignement avec nous-même et avec notre environnement. De ma vie, je n’ai jamais rencontré quiconque qui puisse prétendre avoir toujours été en parfait équilibre, en toute situation car cela n’existe pas, et surtout pas sur tous les plans à la fois… Cela n’a aucun sens. Notre passage sur terre est caractérisé par ce tâtonnement qui permet, pas à pas, de faire émerger les réponses que l’on cherche au plus profond de soi.

C’est dans le mouvement que l’on peut le mieux tester notre aptitude à la justesse ; le mouvement met à l’épreuve notre équilibre en nous confrontant au risque de déséquilibre. Et peu à peu, à force d’effets de balancier et d’apprentissages, on va voir émerger une forme d’équilibre en plein cœur des déséquilibres, l’aptitude au calme dans la tempête ! Mon conseil : osez accueillir vos déséquilibres de façon décomplexée et considérez-les comme vos meilleurs alliés, ils sont vos professeurs ! Et lorsque vous les expérimentez, profitez-en pour prendre du recul et vous demander :

  • Qu’est-ce que je ressens et pourquoi ? Est-ce que j’en souffre, est-ce que je fais souffrir les autres ?
  • Que puis-je apprendre sur moi à partir de cette réaction / situation ? Mon rapport à la peur, à la souffrance, au dépassement ?
  • Qu’est-ce que cela m’incite à changer dans mon comportement ?

Trouver son équilibre : sur le fil de la remise en question

La remise en question, c’est le chemin de l’équilibre par le questionnement. Ne pas se remettre en question, c’est arrêter le mouvement et risquer de se figer dans le temps et dans l’espace, en considérant qu’on n’a plus rien à apprendre ; c’est le plus grand danger pour une personne.

Bien évidemment, se remettre en question ne signifie pas que l’on doute de tout, tout le temps, mais plutôt que l’on est capable de faire évoluer notre vision des choses et ce que l’on croit être acquis. C’est un équilibre dynamique qui nous permet de continuer à avancer dans la vie, sereinement et efficacement, en restant un apprenti permanent.

Utilisons l’image de l’équilibriste, qui est une métaphore de la vie : ce personnage sur le fil, avec un passé derrière lui et un futur devant. Chaque pas est une nouvelle mise en déséquilibre potentielle. Il est obligé de lâcher la prise de son pied arrière pour avancer d’un pas et créer un nouvel équilibre qui n’est déjà plus exactement l’équilibre précédent. Voilà toute la beauté de la vie : cette existence intense qui fait de chaque pas la création d’un nouvel équilibre, plus fort que le précédent ! Le déséquilibre nous montre la voie, comme un maître le ferait. Il nous montre ce vers quoi il est bon de tendre. Et il est bon de tendre vers soi… Retenons aussi que ce qui est bon pour l’un n’est pas nécessairement bon pour l’autre. Tel l’équilibriste, chacun a son fil, sa propre voie à suivre pour découvrir son unicité et sa nature profonde. Il est donc vain de se comparer aux autres : on apprend avec les autres, parfois grâce aux autres, mais pas en cherchant à être comme les autres.

Conserver son équilibre en temps de crise

Est-il possible de conserver son équilibre en temps de crise ?

Les périodes de crises ont ceci de bénéfique qu’elles nous aident à mieux nous connaître, elles nous testent et nous contraignent à trouver des solutions pour continuer à nous adapter. Dans ces situations sous tension, nous avons besoin de nous questionner, de nous recalibrer, de “pousser la machine” un peu plus loin que d’habitude. Plus la crise nous bouscule, plus elle nous oblige à l’exploration intérieure pour faire émerger de nouvelles ressources.

Il faut garder à l’esprit qu’il y a les événements et il y a, surtout, la manière dont on y répond. Là où certains verront une crise et son lot de dangers, d’autres verront la meilleure opportunité de leur vie. Tendez l’oreille et vous entendrez ces innombrables histoires de personnes qui se sont révélées renforcées après avoir traversé une période de crise. L’affaiblissement n’est jamais une fatalité.

En chinois, le mot crise est composé de deux caractères : Wei (danger) et Ji (opportunité). C’est un beau résumé ! Il y a de l’opportunité dans chaque crise. Si je vois la crise sous son angle négatif, je vais plonger dans cette négativité ; elle va m’ensevelir, m’engloutir. En revanche, si je me focalise sur ce qu’elle peut m’apporter de positif, alors cette partie positive va petit à petit se développer, grandir et devenir réalité. L’équilibre devient ainsi le plus vertueux des réflexes !

équilibre

Équilibre et management

Pour incarner cet équilibre, la notion de recul est essentielle.

En management, il est essentiel de savoir écouter et prendre du recul. Cela demande d’exercer sa capacité d’attention et à ne pas répondre du tac au tac aux situations, comme par exemple à la réception d’un email déplaisant ou lors d’une réunion houleuse. À nous de choisir le comportement le plus opportun, en l’occurrence jamais le plus impulsif. Plutôt que de répondre sous le coup de l’émotion face à une objection, à une divergence de vues, voire à une agression, il est préférable de les accueillir et de composer avec, en utilisant et redirigeant de la façon la plus positive possible cette énergie négative à la base. Cela demande du calme intérieur, un temps de recul et une forme de lâcher-prise. De cette manière, on peut aussi s’apercevoir qu’une opinion différente peut être pleine d’enseignements, de richesse, et venir compléter notre point de vue !

Par ailleurs, il peut s’avérer dangereux d’avoir des croyances trop fortes, des opinions trop marquées ; c’est la meilleure façon de ne pas accepter les autres visions et donc de s’enfermer. Adopter une certaine neutralité permet d’accueillir toutes les formes de vérité sans jugement et d’abolir les murs. Cette ouverture d’esprit (ou esprit d’ouverture) est le meilleur garant d’une communication réussie.

Trouver son équilibre en sortant du rapport gagnant – perdant

Que faire lors des situations de de compétition ? de confrontation ? Contre-attaquer, fuir… ?

La compétition est adaptée tant qu’elle fait référence à un sport, à un jeu. Mais la vie ne devrait jamais être abordée comme une compétition. Cela revient à se tirer une balle dans le pied.

Lorsque l’on se trouve face à des situations de confrontation, plusieurs attitudes sont possibles. Parfois, il peut être préférable de fuir en mettant son ego de côté. Il y a tout simplement des combats qui ne valent pas la peine d’être livrés… Toutefois la fuite ne peut en aucun cas être une stratégie de vie ! Elle peut au mieux être une tactique nécessaire pour se préserver sur le moment, pour décourager l’agressivité adverse (même si elle suscite des moqueries), ou pour se repositionner, retrouver une forme d’équilibre et aborder la situation sous un angle nouveau en étant mieux préparé s’il y a lieu.

Dans d’autres cas, il est préférable de répondre par la confrontation directe ; certaines situations demandent que l’on montre une très grande force et détermination pour couper court à toute forme d’abus ou de violation de notre intégrité. Il est dangereux de laisser se développer des situations inacceptables et intolérables et l’affrontement direct peut donc parfois être la réponse nécessaire.

Toutefois ces deux attitudes se confrontent à la même limite : elles ne sont pas toujours pérennes et ont un coût qui peut être élevé. Dans l’approche Aïkido, on va plutôt chercher à sortir de la ligne d’attaque par une esquive (qui est très différente d’une fuite !), ce qui permet d’abord d’éviter le coup (c’est aussi ce que font les bons boxeurs !) ; puis à utiliser au mieux l’énergie de l’agresseur pour la transformer et composer avec dans une direction plus positive. Cela demande évidemment une réelle expertise technique, ainsi qu’un important travail de centrage, de maîtrise et de fluidité que l’on acquiert par la pratique ; les résultats peuvent être stupéfiants. L’Aïkidoka a une approche non violente de la relation mais jamais sous l’angle de la victimisation, bien au contraire. Capable d’asséner des coups, il préfère autant que possible réduire à néant la volonté funeste de ses agresseurs en les déstabilisant et les neutralisant. Plutôt que de chercher à gagner, il essaie de ne pas perdre, la nuance est importante…

De fait, les rapports d’opposition sont épuisants et nous font entrer dans un rapport gagnant-perdant qui implique nécessairement qu’il y ait un perdant. Or, il n’est pas satisfaisant de gagner aux dépens du perdant. Nous avons tous en nous, quelque part (même si c’est parfois très enfoui…), une volonté d’être contributeur de quelque chose qui nous permette de nous épanouir, de nous développer et de contribuer au bien-être de ceux qui nous entourent. Et ce n’est pas en faisant de la vie une compétition que l’on atteint cet objectif !

À travers des rapports “gagnant-gagnant”, en revanche, on peut soi-même s’équilibrer et s’épanouir. C’est une voie beaucoup plus ambitieuse, qui demande une hauteur de vue sur la vie, une capacité d’analyse de la nature humaine. Mais quel développement personnel bénéfique à travers cette pratique !”


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