La cité des hyènes : Harar, en Éthiopie

18 Nov, 2020 | NATURE & ENVIRONNEMENT, SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN

De nombreuses études comportementales tendent à montrer que les hyènes sont des animaux extrêmement sociables au sein de leur clan. Cet animal extrêmement intelligent a également une relation avec l’homme qui peut s’avérer quasi amicale : voici l’histoire d’Harar, un petit village d’Éthiopie de l’Est, pour vous en convaincre.

Harar Jugol, un village situé au sommet de la vallée du Rift en Éthiopie de l’Est, est connu pour être l’une des quatre villes saintes de l’Islam, avec La Mecque, Médina et Jérusalem. Réputé comme un joyau de la culture islamique, la magnificence de son mur d’enceinte datant du XVIème siècle et de ses 200 mosquées et temples a d’ailleurs récemment été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO (2006). 

Pour autant, la cité renferme bien d’autres curiosités, moins connues du grand public  : Harar serait l’une des seules villes au monde dans laquelle les habitants cohabitent avec des hyènes !

Selon les légendes, l’histoire aurait commencé il y a plus de 200 ans, lorsque des villageois, las des attaques répétées des charognards dans les rues de la ville, décidèrent de percer des trouées dans l’enceinte dans l’idée d’y jeter quotidiennement les restes de leurs repas. Forte de son succès, l’initiative se transforma très vite en coutume. 

C’est ainsi qu’une grande partie des habitants prend l’habitude de partager avec les hyènes ses déchets alimentaires, mettant fin aux attaques perpétrées par ces dernières. 

Avec le temps, l’organisation a évolué et ce qui était à l’origine un acte civique est devenu une activité à part entière, dont la responsabilité a été déléguée dans les années 1960 à Yusuf Mume Salleh. 

Après plus d’un demi-siècle à nourrir quotidiennement les hyènes avoisinant le village de Harar, Yusuf a passé le relais à son fils, Abbas Yusuf, alors âgé d’à peine 13 ans. C’est ainsi que depuis près de 15 ans, Abbas Yusuf a à charge de prendre soin des charognards. Ce dernier, bien conscient de l’importance du rôle qui lui incombe désormais, se dit fier de pouvoir perpétuer la tradition et compte bien transmettre ce devoir à ses enfants quand il ne sera plus en mesure d’accomplir la tâche. 

Avec les années, Abbas Yusuf a réussi à tisser une relation encore plus particulière avec les carnivores que son père… un lien quasi amical !

Il a donné un nom à chaque membre du clan sur la base de leurs caractéristiques physiques et comportementales (« Dabbassoo » (Poilu), « Qallaa »  (Maigre)…) et a pour usage de prendre sous sa protection les bébés hyènes du troupeau, allant jusqu’à partager son couchage avec eux. 

Cette relation ne passe pas inaperçue auprès des habitants de Harar et des touristes venus contempler les joyaux architecturaux de cette ville Éthiopienne. 

Abbas Yusuf est bien conscient de cet intérêt grandissant et s’en amuse volontiers, se livrant à des démonstrations en publiques, dont la plus connue est sans conteste sa capacité à nourrir les hyènes avec sa bouche. 

Immortalisé à de nombreuses reprises via des campagnes photographiques, ce spectacle est largement apprécié des touristes et des locaux. 

Ainsi, avec le temps, le village de Harar a lié un lien particulier avec cette espèce de charognard, bien souvent évitée, car jugée perfide et sanguinaire. Chaque année, en l’honneur de l’anniversaire du prophète Mahomet, la ville offre aux hyènes une bouillie faite de beurre et de viande à l’endroit où repose les sépultures des anciens dirigeants musulmans de la ville. Si les hyènes refusent cette offrande, les villageois estiment que le pays sera marqué par la malchance !

Cet article nous a été inspiré par l’excellent livre de Joëlle Zask : Zoocities, des animaux sauvages en ville, qui questionne notre façon de coexister avec les animaux.


Sources

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