Connaissez-vous les vertus épistémiques ?

9 Déc, 2016 | Non classé

Impartialité, courage, sobriété et pertinence intellectuelles, équilibre réfléchi : voici 5 vertus épistémiques que nous fait découvrir Emmanuel Brochier, Maître de conférences à l’IPC Paris, dans le cadre du parcours Cap 360°, sur le thème s’enraciner.

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Emmanuel Brochier : « L’enracinement est une très belle métaphore qui a parfois un usage surprenant. De fait, quand nous parlons de nos racines, nous pensons immédiatement au passé. Par exemple, si l’on envisage les racines chrétiennes de l’Europe, on pense immédiatement à un héritage lointain.
Or, lorsque l’on interroge la métaphore, on constate que les racines d’une plante lui sont contemporaines. C’est ici et maintenant que les racines assurent la nutrition de la plante et lui offrent sa stabilité.
Ainsi, quand on parle des racines de l’Homme, il faut retrouver cette idée de « temps présent ». Elles peuvent être enfouies, cachées, l’enracinement est néanmoins actuel.
L’Homme, disait Pascal, est un roseau pensant. Les racines de l’Homme nourrissent sa pensée. Or, ce dont l’Homme a besoin pour nourrir sa pensée et grandir, c’est de vérité.

Quelles sont ces racines qui permettent de capter la vérité ? Il s’agit d’heureuses dispositions que l’Homme doit développer au fond de lui.
Les philosophes contemporains ont développé un concept de “vertus épistémiques” qui sont autant de racines pour aller capter ce qui nourrit nos intelligences et offre une réelle stabilité.

Il y a de nombreuses vertus épistémiques. J’en évoquerai cinq.

L’impartialité
C’est tout le contraire de la partialité. Nous sommes enclins à être partiaux, à prendre parti sans avoir regardé toutes les parties. Ou à ne prendre pas parti du tout. Précisément, l’impartialité, c’est prendre parti sans parti pris.

 

La sobriété intellectuelle
C’est l’opposée d’une débauche intellectuelle. Car regardons bien la plupart de nos idées : pour quelle raison y adhérons-nous ? Parce qu’elles nous plaisent. Bien souvent, c’est le plaisir, la satisfaction apportée par telle ou telle pensée qui motive notre adhésion. La sobriété intellectuelle consiste à adhérer à une idée pour de bonnes raisons ou parce qu’elle est conforme au bon sens, quand il n’est pas possible d’avoir des bonnes raisons.

 

Le courage intellectuel
C’est cette capacité à ne pas être paralysé quand nos idées vont à l’encontre de l’opinion la plus répandue, à l’encontre de ce que l’on appelle aujourd’hui « la pensée unique ». Courage intellectuel à ne pas confondre avec témérité intellectuelle : il ne s’agit pas de parler à contretemps mais de s’exprimer dans les bonnes circonstances, y compris lorsqu’il est difficile de parler.

 

La pertinence intellectuelle
A l’heure d’Internet, du zapping, où nous accumulons les informations, c’est une racine importante. La pertinence intellectuelle est cette capacité à sélectionner ce qui va vraiment nous nourrir. C’est le contraire de l’obsession qui conduit à toutes les idéologies. On peut être obsédé par une idée, comme l’idée de liberté ou de la technologie et ce qu’elle pourrait permettre aujourd’hui : et ça donne, par exemple, le transhumanisme. La pertinence intellectuelle est une racine qui nous permet d’avoir un équilibre. Elle consiste à remettre chaque chose à sa place.

 

L’équilibre réfléchi
On pourrait être enclin à une certaine rigidité en ce qui concerne les méthodes que nous mettons en œuvre dans la recherche de la vérité. Cela pourrait être le fait de n’accepter que la méthodologie scientifique et donc de conclure qu’il nous est possible de parler de Dieu, par exemple, mais sans aucune certitude, sans que cela puisse appartenir au domaine public, puisque de Dieu, nous ne pouvons faire aucune expérimentation, comme en sciences.
On pourrait pourtant imaginer qu’il existe plusieurs méthodologies et qu’il faut se montrer créatif. Peut-être y a-t-il autant de méthodes qu’il y a de sujets parce que la méthode doit imiter son sujet.

Voici donc cinq racines qui nous permettent une stabilité intellectuelle et de nous nourrir de la vérité. Cinq racines qui n’ont pas pour fonction d’identifier qui nous sommes ; je ne comprends pas pour quelle raison nous pensons aujourd’hui trop souvent qu’une personne, une population, un ensemble de population s’identifie à ses racines. Un arbre ne s’identifie pas à ses racines, il s’identifie à son fruit. Il faut regarder quel est le plus beau fruit qu’on est capable de porter ! Les racines ne sont là que pour nourrir et elles sont indispensables. »

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