Sophie Lutz, auteur, chroniqueuse et conférencière, évoque l’importance de l’un de nos sens : le toucher. 
"C'est le toucher qui donne le sentiment d'exister." Fabrice Hadjadj, écrivain et philosophe français.

“Pourquoi le toucher, ce sens merveilleux qu’on a parmi cinq autres, est-il si important ? Pourquoi en avons-nous tant besoin ? Besoin de le vivre, de l’expérimenter, d’en faire profiter les autres…

Dans une société où il y a beaucoup d’excès, beaucoup de gestes inappropriés, on se retrouve à chercher le point d’équilibre. Comment vivre cette expérience essentielle, de manière belle, humaine et respectueuse à la fois de son propre corps et du corps de l’autre ?

L’expérience auprès des personnes fragiles est intéressante pour comprendre pourquoi on a autant besoin de ce sens-là. C’est un sens qui permet d’être rassuré : le fait d’être touché calme les angoisses, ça donne une notion de la proximité de l’autre, ça rompt la solitude. Avec le toucher, on a la certitude, la preuve tangible et concrète que l’autre est là pour nous, et que, d’une certaine manière, il se “branche” à nous.

Le toucher apporte le repos dont on a besoin. Dans le couple, on le vit lorsqu’on est peau à peau, simplement, sans bouger : c’est particulièrement reposant ! On a l’impression que les peaux se parlent et qu’il y a un espèce d’apaisement des tensions qui se fait. Le toucher nous répare, nous permet de ne pas nous sentir seul, de nous sentir aimé.

Comment faire en sorte de bénéficier de tout cela ? Il n’y a pas vraiment de code, il va falloir que ça vienne du cœur. Il faut qu’on agisse avec amour et respect ; avec un sens de la limite – c’est là où on va être sur une ligne de crête ; il faut pouvoir toucher l’autre sans être dans l’intrusion. On va être maladroit parfois, mais même cette maladresse est bienvenue.

Quand je parle de geste maladroit, je ne parle pas d’un geste inapproprié / pervers / abusif, évidemment, mais plutôt d’un geste bien intentionné qui tombe à côté de la plaque ; parce que ce n’est pas le bon moment, parce que l’autre n’est pas réceptif, parce que de toute façon, dans son état d’humeur, tout geste serait raté. C’est tout un processus d’essai / erreur dans le contact avec l’autre ; on tente quelque chose mais ce n’est pas forcément reçu comme on aimerait. Cette maladresse fait partie de la vie, ce n’est pas grave, c’est la maladresse du quotidien qui est finalement aussi touchante !

 

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Pour conclure, je pense au fameux film Intouchable, au titre évocateur, où le personnage handicapé joué par François Cluzet a perdu le sens du toucher dans presque tout son corps, et reste pourtant sensible à la manière dont on manipule son corps. Ce film en dit beaucoup sur la manière dont on prend en compte le corps des autres, et nous montre à quel point la notion du toucher est importante, pour communiquer comme pour aimer. Le sens du toucher, c’est le sens par lequel nous ne sommes pas seuls au monde ; c’est le sens de la tendresse.