Cultures partagées, carottes et villes

17 Mai, 2014 | ENVIRONNEMENT, HABITAT & ARCHITECTURE

Jardins PartagésLes jardins urbains connaissent aujourd’hui un renouveau exceptionnel. Ces îlots de verdure permettent, en plein cœur de la ville, un retour à l’essentiel par la culture de la terre et… des relations humaines.

La joie que procure le jardinage en ville est une sensation intime qui trouve sa source dans l’équilibre avec la création, l’évacuation du stress quotidien,  la paix que procurent le travail de la terre,  l’humilité face à l’énergie de la terre et le don qu’elle fait à celui qui s’occupe d’elle. En ville, des friches ou des bouts de terrain dans les parcs sont investis par des âmes de jardiniers qui se regroupent pour  transformer et s’approprier, parfois pour un temps éphémère, une parcelle de vie qui recèle des espérances  de  croissance végétale.

ORIGINE ET ENJEUX POLITIQUES DES JARDINS URBAINS

« Une demande qui, de simple plaisir, peut générer toute une économie solidaire»

Le “jardin urbain” a connu ces dernières années un renouveau exceptionnel dans le cadre d’une demande croissante de la part d’habitants épars puis regroupés en associations de quartier pour solliciter la mairie détentrice du terrain  ou le propriétaire privé avec, dans ce cas précis,  des chances de succès plus aléatoires.

Face à  cette nouvelle “vague verte”, deux questions se posent : comment trouver du terrain et comment les bailleurs et propriétaires se positionnent-ils  pour répondre à une demande qui, de simple plaisir, peut générer toute une économie solidaire et développer les  formations aux “métiers verts”.

La place actuelle du jardin urbain dans le cadre des initiatives privées et institutionnalisées s’organise autour de fédérations comme la Fondation Nationale des Jardins Familiaux (FNJF – www.jardins-familiaux.asso.fr),  la charte “Main verte”, à Paris, qui compte environ 90 jardins, ou encore des chantiers d’insertion par le jardinage.

De nouvelles initiatives émergent comme celles de l’association “Cultures partagées-carottes et villes” qui a formulé une demande de réglementation à l’Assemblée nationale et auprès du Ministère de la Ville, de la Cohésion sociale et du Logement, pour que 20 % des gazons dans les résidences publiques soient réservés aux locataires.

LE JARDINAGE COLLECTIF AVEC L’ASSOCIATION “CULTURES PARTAGÉES, CAROTTES ET VILLES”

Ce sont  30 parcelles d’environ 10m² chacune, que gère l’association “Cultures partagées, carottes et ville” installée à Fontenay-aux-Roses (92), avec les locataires des résidences de type HLM.

La procédure à suivre consiste à établir une convention avec le bailleur social, tout en informant les locataires concernés, dans le respect de la réglementation relative à l’affichage dans les immeubles et en bonne intelligence avec le bailleur et la mairie, qui peuvent aussi bien être des alliés que des concurrents… Mieux vaut  démarrer le plus souvent par un contact avec l’amicale des locataires

Le budget clôture, matériel, audit de dépollution des sols peut s’avérer trop lourd pour les adhérents. Des  demandes de subventions   auprès du Conseil régional sont toutefois possibles. Le Conseil général peut aussi aider au même titre que les fondations privées. En accord avec le principe d’une participation ouverte aux populations les plus modestes, la politique d’adhésion doit être souple. Nous avons demandé entre 20 et 40 € par an, selon le revenu. C’est un minimum. Le maximum connu est de 80 € par mois.

La cohésion du groupe jardinier est un facteur fondamental ; il est conseillé de recourir à un contrat aidé pour la coordination. Puis des jardiniers vont se révéler  et spontanément se mettre au service des autres, surtout pour les premiers bêchages. L’autonomie s’acquerra à la deuxième saison.

Enfin, en cas de dégradation : il est conseillé de spécifier dès le départ que l’on jardine pour le plaisir, (comme l’on sortirait de son immeuble ou l’on ferait de l’exercice), et pas nécessairement dans l’idée de récolter à tout prix. Cela œuvre à une meilleure compréhension en cas d’actes indélicats. Nous n’avons cependant eu à déplorer à ce jour que le seul vol d’un pied d’aubergine…

La question de l’eau reste cruciale. Les gouttières pour récupérer l’eau de pluie sur les abris sont appréciables, ainsi que les containers de 500 litres permettant de faire des réserves. Il faut néanmoins souvent envisager une arrivée d’eau avec une pompe pour éviter d’utiliser le réseau public. Finalement, les frais qui s’étendent en général sur les 2 mois secs représentent environ un coût supplémentaire de 20 € par parcelle.

VERS DE NOUVELLES SOLIDARITÉS

Les jardins partagés sont une fenêtre ouverte sur une ville plus esthétique et plus solidaire, et une occasion de fête, de rencontre et d’échange lors de chaque récolte. En ville, les rapports au jardin varient selon les rythmes de travail. Lorsque les gens travaillent tard, il  n’est pas facile de jardiner. Le samedi est alors réservé aux courses. Les dirigeants de l’association se questionnent sur ces rythmes professionnels, qui conditionnent le vivre ensemble. Dans les cités au contraire, où le chômage est très élevé, on est très attaché au jardin, avec des habitants  très présents et reconnaissants de pouvoir accéder à cette “semi-propriété”.

« Une pensée collective de partage s’est mise en mouvement »

Aujourd’hui les gens se connaissent mieux, ils ont créé des liens, échangent des recettes et des repas. Ils se reconnaissent dans la cité et bavardent sur leur projet de semis, de récoltes, sur leurs enfants. Ils font des projets collectifs pour bêcher, améliorer l’environnement de leurs jardins,  le fleurir. Ils vont ensemble visiter des jardineries ou ramènent des plantes d’ailleurs… Bref, une pensée collective et solidaire de partage  s’est mise en mouvement.

Elle dépasse le simple jardin, puisque les habitants, maintenant, sont sensibles à leur ville. Où planter ? « Vous avez vu ce bout de gazon, rue machin ?… On pourrait l’aménager… »

Les gens se parlent, échangent au service de la beauté et l’utilisation des minces espaces qui pointent encore le bout de leur nez. D’où un regain d’intérêt pour des lois protectrices, qui préserveraient des ratios d’espaces verts de la densification. Certains souhaitent ainsi s’opposer au SDRIF (Schéma Directeur de la Région Île-de-France) avec toute la force de leur enthousiasme à protéger leur environnement.

Car certes, il faut loger des gens, mais pas à n’importe quel prix ! Que servirait un étouffement  généralisé de la population, installée en milieu urbain pour y travailler, mais aussi pour y vivre !

Ces questionnements révèlent que les ressources humaines sont encore présentes pour flairer les dangers potentiels qui porteraient atteinte à la vie ! Les jardins urbains sont la preuve de cette résurgence de l’humain au cœur de la ville.

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance