Écologie humaine et entreprise performante

28 Mai, 2022 | DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

La transition écologique est bien en marche dans le monde économique, les actions sont nombreuses et de mieux en mieux structurées. Mais… et l’homme dans tout cela ? Christel Koehler a conçu une méthode pour devenir une entreprise « écologie humaine », grâce à son expérience au Courant pour une écologie humaine et ses travaux dans des entreprises. À l’occasion de la réédition de son livre Écologie humaine et entreprise performante, elle revient sur cet enjeu.

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Et l’homme dans tout ça ?

En théorie, les politiques RH dignes de ce nom prennent en charge le collaborateur et le font correctement, du moins dans les entreprises les plus « sociales ». L’expérience collaborateur est à l’honneur. Les stratégies de responsabilité sociale des entreprises (RSE) intègrent parfois un « volet sociétal » vis-à-vis des parties prenantes externes, société civile ou monde associatif. Pourtant, les accusations de greenwashing et de social washing se multiplient. Le mal-être au travail augmente malgré les discours sur l’entreprise libérée et le management bienveillant. En outre, la digitalisation de l’économie et le développement du transhumanisme soulèvent des enjeux vertigineux et potentiellement terrifiants si une approche réellement éthique ne leur est pas donnée. La prise en compte du handicap, de la fragilité et, plus largement, de l’humain, deviennent des attentes fortes.

C’est que la crise sanitaire est passée par là. Elle a conduit à un paradoxe majeur : d’une part, le tout-numérique s’est imposé, et cela, partout dans le monde. Le travail hybride est devenu une norme. Mais d’autre part, la crise covid nous a rappelé brutalement que nous avions un corps, que nous étions des êtres de relations et que nous ne pouvions vivre pleinement sans être insérés dans des communautés familiale, professionnelle, amicale, associative, etc. Et que ces relations, ces liens communautaires passaient par la présence physique, le corps. Combien de détresses, en particulier pour les malades, les personnes âgées, les personnes endeuillées, pour ne pas avoir pu voir leurs proches, parler en face à face sur les grandes questions de la vie, dire au revoir à un défunt lors de funérailles ? Dans le monde professionnel, après les annonces tonitruantes sur le 100 % télétravail, même les géants de la Tech en reviennent et chaque dirigeant comprend que son entreprise est aussi un corps social. Rencontrer ses collègues, parler, partager des moments formels et informels sont des facteurs de cohésion, et donc de mobilisation et de performance. En même temps, dans un nouveau paradoxe, les salariés veulent aussi plus de liberté, d’autonomie, de flexibilité, d’air pur et sont prêts à la Grande démission pour réaliser ces aspirations.

Tout l’homme et tous les hommes

L’écologie humaine (EH), avec son approche holistique permet de répondre à ces enjeux humains, éthiques et écologiques. Elle permet de prendre en compte « tout l’homme et tous les hommes » dans son écosystème et dans l’ensemble du champ social. Que ce soit sur le plan stratégique, managérial, mais aussi marketing et financier, l’écologie humaine permet d’intégrer tout ce qui, dans l’entreprise, contribue au bien commun. C’est-à-dire d’abord à une performance économique solide et pérenne.

Le postulat que nous partageons est que la clef de lecture la plus pertinente pour appréhender le réel est la personne humaine. Placer la personne humaine et sa dignité au centre de toute action, c’est la définition de l’écologie humaine. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Une vision de l’homme à 360° doit intégrer toutes les dimensions de sa vie sociale, entre autres, sa dimension professionnelle.

L’entreprise, comme d’autres acteurs, a donc un rôle important pour développer l’écologie humaine dans son territoire. En effet, ses rapports avec ses salariés, clients, fournisseurs, communautés locales, peuvent être structurants pour tous ou, au contraire, contribuer au délitement du lien social.

La méthode pour définir les 12 critères d’action en entreprise

J’ai interrogé pour le compte du CEH des dirigeants d’entreprise, des entrepreneurs indépendants, mais aussi des responsables d’organisations salariales et patronales, des universitaires, des acteurs associatifs. Je me suis aussi inspirée d’autres théories économiques déjà existantes, lorsqu’elles sont pertinentes : responsabilité sociale, d’entreprise, « entreprise libérée », économie de communion, pensée de philosophes communautariens, etc. Il en résulte une grille de douze critères permettant d’initier une démarche « écologie humaine » en entreprise. Si certains rejoignent des principes existants, d’autres sont plus disruptifs par rapport à la pensée économique classique.

Les fruits de l’écologie humaine en entreprise

L’écologie humaine n’est pas une théorie, elle est déjà en pratique, parfois sans être appelée ainsi. Le dernier chapitre reprend en particulier l’accompagnement du PDG et du comité de direction du leader européen du colis domestique, Geopost. Bien qu’agissant dans un secteur hyperconcurrentiel où des géants de l’express imposent de très fortes contraintes, ces dirigeants ont mis en place une stratégie de « Place de l’homme dans l’organisation » à la suite de cette mission.

Car, agir selon les principes de l’écologie humaine ne signifie pas penser que tout est rose dans un monde idéal. La dureté du monde économique et les conflits au travail sont toujours là. Je propose de s’appuyer sur la méthode de la médiation humaniste pour les résoudre. Une manière de faire, là aussi, profondément humaine et très efficace.

Au final, ce livre propose des pistes pour ceux qui voudront à leur tour initier leur propre démarche. Philippe Wahl, PDG de La Poste, a présenté son point de vue en préface et deux fondateurs d’associations, Jean-Louis Kiehl (Crésus) et Patrick Bertrand (Passerelles & compétences) témoignent en postface de leur coopération avec l’entreprise en vue du bien commun.


Christel KOEHLER est diplômée de l’EDHEC, titulaire d’un MBA et d’un master de théologie. Elle est médiatrice certifiée et experte en écologie humaine en entreprise. Elle enseigne dans de grande écoles et universités en France et à l’étranger et a collaboré au livre collectif Et les clients pauvres ? Quand les entreprises s’engagent (Éditions Autrement, 2008). Elle est aussi l’auteur de L’entreprise solidaire (TheBookEdition, 2014).

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