Merlin, pour un nettoyage enchanteur

24 Jan, 2022 | ENVIRONNEMENT, TRAVAIL

Maxime Giroud est le créateur de Merlin, une entreprise qui produit des nettoyants écologiques, avec “l’envie de créer des produits plus propres et la volonté de remettre l’homme au centre”. Inévitablement, cette façon de présenter son projet nous a interpellés. On a décidé qu’il fallait en savoir plus.

Partir, avec femme et enfants

Maxime Giroud, fondateur de Merlin : “J’ai débuté ma vie professionnelle chez Nestlé, où j’ai travaillé principalement en marketing, dans le secteur du café, dans plusieurs pays (France, Espagne et Suisse).
Chez Nestlé, il y avait plein de belles choses, dont le souhait d’aller lentement et de bien faire les choses, d’avoir une vision à très long terme.

En parallèle, avec ma femme, nous avions souvent entendu parler de cette expérience de volontariat ; donner un peu de sa vie… C’est quelque chose qu’on avait en nous, mais que l’on a laissé de côté pour diverses raisons (déménagements professionnels, enfants…), mais ça a continué à pousser et, à un moment de transition de vie – j’allais possiblement passer à une autre mission professionnelle, avec plus d’implications – on s’est dit que c’était le moment où jamais de tenter l’expérience.

J’ai donc démissionné de chez Nestlé – quand on part en volontariat, on est un peu obligé de tout quitter, de vendre ses affaires (on ne va pas les stocker si longtemps !), dans une espèce d’abandon très intéressant à vivre – et
on s’est lancé dans un processus de sélection d’un an. C’est comme cela que toute la famille a été envoyée en Haïti pour deux ans.

Se confronter à une autre vision du monde

Ma femme, nos trois filles et moi sommes partis avec la Fidesco, ONG qui a la particularité de proposer à ses volontaires de vivre dans les conditions de vie similaires aux personnes dont on partage la vie. Ce ne sera jamais identique à 100% – typiquement, en Haïti, nous avions une maison, avec de l’électricité (assez régulièrement), une cuve avec un peu d’eau pour les besoins courants : ce sont déjà des éléments très luxueux pour beaucoup là-bas.

Ma femme s’occupait d’accompagner des professeurs dans une école primaire, pour proposer des évolutions dans les méthodes pédagogiques. Et moi, j’étais responsable financier dans une école professionnelle.

C’était vraiment l’expérience d’une vie radicalement différente : radicalement extraite de la société de consommation dans laquelle on vit en France. De l’extérieur, ces pays donnent l’impression d’être très pollués parce qu’il y a des déchets partout… De fait, ils n’ont pas la chance d’avoir une gestion centralisée des déchets, etc. Mais en réalité, si on regardait le volume total de déchet par habitant, je pense qu’on verrait rapidement que les Haïtiens génèrent beaucoup moins de déchets : ils réutilisent et réparent énormément.

Notre rapport au déchet a nécessairement évolué puisque quand j’achète quelque chose, je dois moi-même gérer le contenant et déchet qu’il va impliquer. Ça a été un vrai déclencheur : on a dû changer nos méthodes de consommation, questionner tout ce que l’on achetait – En ai-je vraiment besoin ? Puis-je le remplacer par
autre chose ?
– parce qu’au final, je vais devoir brûler le déchet généré. Et si c’est du plastique, ça va faire une grosse fumée noire… Et on ne peut clairement pas abandonner ça dans la rue, sinon, ce sont les pluies qui vont nettoyer tout ça et emporter le tout dans la mer.

Au retour, l’envie de poursuivre avec cette vie plus simple nous motivait. Appliquer au quotidien des gestes pas trop douloureux, mais qui font quand même la différence. Typiquement, les produits d’entretien, ça coulait de source. Parce qu’un produit d’entretien, ça peut aller jusqu’à 98 % d’eau, c’est des contenants qu’on va jeter alors qu’ils sont encore en parfait état et qui ne seront recyclés que dans un cas sur deux (dans le deuxième cas, ils sont incinérés – même si on produit de l’énergie avec, ça reste quand même une méthode qui laisse à désirer quand on se dit que ce contenant aurait pu être réutilisé et donc éviter d’être produit à nouveau).

Cette prise de conscience a provoqué une envie d’entreprenariat. L’idée ? Proposer une solution de détergent solide qui permet d’éviter justement de transporter de l’eau, et de réutiliser les contenants. D’où la naissance du projet Merlin, qui propose des produits d’entretien à diluer.

Ne pas recommencer comme avant

Le processus de lancement de Merlin est venu petit à petit.

Honnêtement, mon premier réflexe en rentrant d’Haïti a plutôt été de contacter mes anciens employeurs. J’ai été tout de suite rassuré : il y avait une possibilité de continuer chez eux ; j’avais un back-up.

Mais en réalité, c’était le moment ou jamais de faire quelque chose de différent : si je reprenais mes anciens souliers, il y avait un risque de reprendre mes bonnes vieilles habitudes de consommation.

On a mûri le projet avec ma femme, c’est clairement une décision à prendre à deux. Et puis, on s’est lancé.

Mon idée de départ : un constat. Les produits d’entretien ne sont pas durables actuellement. Comment faire en sorte d’avoir des formules solides que l’on va diluer chez soi ? J’établis le cahier des charges : il faut le moins d’ingrédients possibles et des ingrédients qui soient idéalement fabriqués localement, avec des processus peu polluants, encourageant idéalement une économie circulaire.

Le choix de Merlin est donc de fabriquer ses produits dans un atelier d’insertion en Île-de-France. Les actifs sont produits et mis en sachet dans cet ESAT – aujourd’hui, c’est très manuel – et sont ensuite envoyés au client : avec un sachet de produits Merlin, on obtient 5 flacons de 500ml.

On tend vers une écologie intégrale, ayant constaté en Haïti que les logiques environnementales et sociales étaient intimement liées.

Évidemment, si l’on prend des éléments bruts – type vinaigre blanc ou bicarbonate – dans beaucoup de cas, ils seront suffisants. Mais pour dégraisser une surface, si vous n’avez pas de tensio-actif, ce composé chimique qui va à la fois s’accrocher au gras et à l’eau, votre produit ne sera jamais vraiment efficace.

Et si demain, je peux avoir mes actifs dans un emballage ultra-compact en papier Kraft, fabriqué en France, peut-être le bilan carbone sera au total meilleur que si j’achète mes produits bruts au détail.

Où trouver les produits Merlin ?

Aujourd’hui, Merlin est distribué sur notre site en ligne, et on est en train de développer la distribution en magasins spécialisés – Biocoop, Bio c’ Bon – et d’autres drogueries (les points de vente sont en expansion permanente et mis à jour sur notre site Internet).

Merlin a été lancé en février 2021. On propose aujourd’hui deux produits : un nettoyant multi-usage qui va plutôt dégraisser vos surfaces. Et un anticalcaire, plutôt pour les salles de bain. En janvier devrait être disponible un spray vaisselle, pour remplacer votre liquide vaisselle, dont le côté spray va permettre de mieux gérer le dosage.

Courant 2022, on va continuer à développer des alternatives pour les besoins du quotidien : pour le lave-vaisselle, la lessive, etc.

Je suis globalement assez maniaque : vous pouvez compter sur moi pour que ces produits fassent briller vos maisons !

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Aujourd’hui, Merlin est un tout petit acteur. Pour avoir un impact important, il faudrait être distribué en grande distribution : Leclerc, Carrefour…

Regardez ces rayons énormissimes qui ne vendent que l’eau : c’est là que le marché doit être converti !

Aujourd’hui, les produits de Merlin sont une petite goutte, mais c’est en additionnant ces petites gouttes que l’on va faire comprendre à de plus gros acteurs que ces produits sont une opportunité. La manière dont chacun d’entre nous, en tant que consommateur, accueillons ce type de solutions est inévitablement stratégique. L’idée est de générer ensemble une réaction en chaîne. Peut-être Merlin contribuera-t-il à cela.

Et en parallèle, il y a l’atelier d’insertion. Moi, ça me comble d’aller de temps en temps retrouver les personnes qui travaillent là-bas ! J’ai développé une très bonne relation avec beaucoup d’entre eux. On finit par se connaître et c’est quelque chose qui est très nourrissant personnellement.

Souvent on se dédouane en disant que son action n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan et qu’elle ne contribue pas à grand chose. Si, effectivement, il y a besoin d’actions politiques pour que des grandes transformations s’opèrent, la responsabilité du changement nous incombe aussi !

Commençons par de petites choses : compter les secondes quand je prends une douche, pour ne pas prendre une douche de 5 minutes mais de 45 secondes, accepter de regarder ma poubelle et voir comment le volume pourrait diminuer, acheter ou prendre un lombricomposteur proposé par sa ville pour recycler ses déchets organiques…

Beaucoup d’actions sont proposées aujourd’hui. À mon avis, elles ont un grand bénéfice : me faire prendre conscience que je vis dans un monde fragile. Et déclencher une réaction en chaîne : qui dit prendre conscience de la fragilité du monde, dit aussi prendre conscience de la fragilité d’autres personnes qui nous
entourent et, du coup, se retrouver un peu plus dans son humanité. Je pense donc que ces petites actions ont souvent de grands impacts !”

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