Observer la vie #ChroniqueDuMycelium

22 Août, 2018 | Non classé

Gérard Langlois Meurinne, psychiatre, psychothérapeute et membre du CEH propose régulièrement la « chronique du Mycelium », réflexion axée sur l’écologie humaine. Il relate ci-dessous trois expériences humanisantes pour mieux “observer la vie”.

Observons la vie

Observer la vie ? Oui : l’œuvre de la vie. Cet été, posons-nous, laissons « là-bas » toute agitation et regardons notre environnement avec un regard neuf. Pourquoi pas ? Bien sûr nous connaissons déjà, et peut-être depuis fort longtemps cette maison de vacances, cet arbre vénérable, ce joli coin de montagne, cette plage. Mais, aujourd’hui, oublions ce que nous connaissons, découvrons ces lieux comme pour une première fois, comme s’ils étaient « une mer toujours recommencée ».

Et puis, élargissons ce regard neuf de notre environnement vers tout le reste, rendons notre regard innocent pour voir. Quoi ? La vie, toute vie et plus particulièrement la vie humaine qui circule autour de nous : est-elle vitalisante ou pas ? Ressourçante ou pas, transmetteuse ou pas ? Humanisante ou pas ?

Dans cette chronique du Mycélium, je vous ai souvent parlé du chemin d’humanisation possible pour chaque personne humaine et du processus collectif d’humanisation auquel il est lié. Aujourd’hui, ne nous demandons pas de changer le monde, restons posés là où nous sommes. Observons simplement, le plus simplement possible, avec les yeux de notre « être », centre et cœur de notre personne.
Aujourd’hui, laissons notre être nous guider. Reposons notre tête. Découvrons et même… Apprenons en jouant, comme le font tous les enfants du monde.

Nous allons pouvoir nous offrir bien des découvertes, en observant dans les situations et les interactions humaines à notre portée, ce qui est bon et humanisant pour les autres… Et peut-être pour nous-mêmes.

Trois expériences humanisantes

Je vous propose ces trois observations récentes d’expériences humanisantes qui m’ont frappé. Elles se situent dans des lieux et contextes bien différents. C’est cela aussi qui pour moi fait leur beauté et leur donne une valeur universelle qui m’émerveille.

Tu es belle !

(Lieu : Montréal. Acteurs : une petite fille, un policier au large chapeau, un handicapé).

J’avançais dans l’aéroport derrière une mignonne petite fille avec des couettes tenant la main de sa maman, toutes deux probablement haïtiennes. L’officier de police canadien au grand chapeau qui surveillait les passagers lui dit avec un grand sourire : « tu es belle ! ». Alors le petite, toute intimidée, se retourne vers sa mère et lui dit : « Maman, il m’a dit que j’étais belle ! ». Sa maman lui sourit. Un peu plus loin, nous croisons un jeune handicapé en fauteuil roulant. Et voilà que la petite fille lui dit : « tu es beau ! ». Ce n’était rien et pourtant « c’était tout » : cette chaîne humaine, cette contagion positive, cette transmission de l’émerveillement et de la vitalisation réciproque.

Et si de temps en temps nous lancions une de ces chaînes autour de nous ?

L’aidante naturelle

(Lieu : Paris-banlieue. Acteurs : Estelle, ses formateurs, Monsieur et Madame Toutlemonde)

Assez tard dans la vie, Estelle s’était inscrite dans une formation à la relation d’aide. Elle aidait des personnes de son entourage depuis longtemps mais aspirait à se professionnaliser plus. Dans cette formation qui incluait des mises en situation, nous lui avons reflété plusieurs fois ses dons « d’aidante naturelle ». Elle pouvait bien sûr apprendre à mieux les déployer grâce à la formation théorique et pratique. Mais ces reflets positifs ajustés lui ont permis enfin de « reconnaître » elle-même ses dons, sans doute trop évidents et anciens pour qu’elle y attache beaucoup d’importance. Estelle s’est alors « lancée comme une fusée » : sans devenir professionnelle de la relation d’aide, ce qui lui aurait été trop contraignant, elle s’est mise encore plus à aider toute personne dans le besoin (et souvent des inconnus) se trouvant sur son chemin. Cette aide si naturelle consiste à reconnaître intuitivement la personne et son besoin dans sa dignité, l’écouter en profondeur, lui révéler sa beauté cachée et souvent l’aider avec justesse à trouver sa vraie voie… Et cela souvent de façon si rapide et spontanée que cela ne lasse pas de nous étonner.

À quoi aboutit la solidarité

(Lieux : îles d’Ikaria, d’Okinawa, villages en Sardaigne et au Costa-Rica. Acteurs : les populations locales)

 

Je me suis intéressé récemment à l’île grecque d’Ikaria en mer Egée. Elle tient son nom d’Icare, l’homme volant venu de Crète, selon le mythe. J’ai alors découvert que cette île était l’une des rares « zones bleues » du monde, nom donné par les scientifiques à des lieux et sociétés où les personnes vivent aujourd’hui en moyenne 10 ou 15 ans plus longtemps que la population générale. On trouve une zone bleue sur presque tous les continents : Europe, Asie, Amérique Centrale et du Nord. Le processus responsable de cet allongement de la vie est très probablement multifactoriel mais les facteurs environnementaux sont prédominants. Et parmi ceux-ci une surprise et une constante : ce qui explique le mieux ce surcroît de vie est la qualité des relations humaines et la solidarité au sein de ces petites sociétés, îles ou territoires isolés !

Alors ? Vous aussi pouvez faire des observations autour de vous cet été. Et pourquoi ne pas me les envoyer dans l’espace réservé aux commentaires à la suite de cette chronique ?
J’apprécierai beaucoup de les recevoir, petites ou grandes. Elles pourraient ensuite être rassemblées pour que tous les lecteurs en profitent. Pour ma part, je trouve en effet souvent remarquable la richesse et la diversité d’un rassemblement de témoignages : il y en a toujours quelques-uns qui nous rejoignent et nous appellent particulièrement.

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Chers lecteurs-lectrices, vous êtes toujours cordialement invités à partager vos réactions dans la rubrique « Commentaires » qui suit cette chronique.

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