Après une expérience de mort imminente (EMI), Vincent Renaud, auteur de The man who kept dying, raconte comment cet instant suspendu entre la vie et la mort a bouleversé son rapport au monde. D’un événement médical imprévisible est née une transformation profonde de son rapport à l’existence et aux autres.
Avant l’accident
Vincent Renaud : “Avant cette expérience de mort imminente (EMI), j’habitais en Angleterre avec ma femme. J’avais une vie bien remplie, un travail très dense – qui ne m’épanouissait pas franchement – et beaucoup d’engagements. Il se passait beaucoup de choses ; j’en faisais tout simplement trop.
Autre fait notable : j’étais devenu extrêmement peu croyant dans l’au-delà ; vous pensez bien que l’EMI a rebattu les cartes sur ce sujet-là !
Et puis tout s’est accéléré : j’ai eu un problème de santé totalement imprévisible : une complication liée à une vieille opération de l’appendicite. Pour soulager ma terrible douleur, l’ambulancier m’a fait respirer de l’oxygène à travers un masque. J’étais allongé sur mon canapé, ma femme à mes côtés… c’est à ce moment que tout a basculé.
L’Expérience de mort imminente
Je me souviens avoir pris deux respirations dans ce masque. La seconde suivante, je n’étais plus là. Je flottais dans un espace noir, vide, sans corps, sans douleur. J’existais encore, mais différemment. J’étais simplement conscience, sans vraiment réaliser que j’étais conscient.
Puis un point lumineux est apparu au loin. Je m’en suis approché, ou bien c’est lui qui est venu vers moi. Je ne saurais pas le dire. Ce point est devenu une sphère immense, une lumière blanche éclatante, mais pas éblouissante.
Dans cette lumière, j’ai distingué quatre silhouettes. Je ne voyais pas leurs visages, mais au fond de moi, je savais que je les connaissais. J’ai ressenti une joie immense, comme si je retrouvais des êtres chers après une très longue absence.
C’est alors qu’une pensée m’a traversé : Si je suis ici, c’est que je suis en train de mourir.
Et là, la panique a pris le dessus. Je ne voulais pas mourir. Ma vie m’est revenue en mémoire : ma femme, ma maison, ma famille… J’ai alors crié (pardon pour le langage, mais c’est la phrase originale) : No fucking way ! Pas maintenant !
Et tout s’est passé très vite. J’ai senti comme un accord plein d’amour venant de ces silhouettes lumineuses, puis j’ai été projeté en arrière. Je me suis réveillé sur le canapé, ma femme me secouait l’épaule, la panique plaquée sur le visage. Ma douleur est revenue brutalement. J’étais de retour dans mon corps. Pendant un bref instant, j’ai regretté mon choix. De “l’autre côté”, j’avais totalement oublié la douleur physique.
Sur le moment, j’ai cru à une hallucination. Mais plus tard, ma femme m’a raconté qu’à cet instant, j’étais devenu inerte, les yeux vides, sans souffle. Pour elle, j’étais mort pendant quelques secondes. C’est grâce à cela que j’ai compris que j’avais bien vécu une expérience de mort imminente.
Une nouvelle perception de la vie
Après cette EMI, ma vie a changé. je n’ai plus peur de la mort. Quand on a connu cette paix, cette lumière, on ne la redoute plus.
Cette expérience m’a également conduit sur un chemin spirituel. J’ai lu, rencontré, exploré, cherché à comprendre.
J’ai appris à être bien avec moi-même, à me contenter de qui je suis. Et à vivre, jour après jour, pleinement vivant. Avec de la gratitude parce que je suis encore là. Et avec un certain détachement parce que tout m’a été donné et tout peut m’être repris. Je ne cherche plus à “remplir” mes journées à toute force. Si la mort venait demain, je pourrais partir sereinement, parce que j’aurais bien vécu.
Cette expérience m’a aussi appris la compassion. Nous avons tous nos blessures, nos colères, nos parcours. J’essaie d’accueillir cela sans jugement, de chacune des rencontres que m’offre la vie, même si ce n’est pas toujours simple !
Plus tard, j’ai traversé l’épreuve du cancer. Et, paradoxalement, j’y ai vu une continuité. Comme si cette maladie faisait partie d’un grand nettoyage intérieur, une fois l’étape de la maladie derrière moi : tu as cherché à en savoir plus sur la spiritualité, maintenant, vis-là !
Désormais, je laisse la vie venir à moi. Quand je ferme une porte, je le fais sans colère, et souvent, une autre s’ouvre d’elle-même. C’est comme si la vie me disait : Fais confiance.
La simplicité retrouvée
Ce que je trouve le plus précieux aujourd’hui, dans ma vie, ce sont les choses simples : un repas avec des amis, un ciel bleu, une balade dans la nature.
J’essaie de ne pas me complaire dans les discussions négatives ; certes, il faut savoir regarder les choses qui vont mal en face, mais il faut pouvoir les contrebalancer avec ce qui va bien, pour éviter de ternir la lumière du quotidien.
Quand quelque chose de difficile arrive, je cherche toujours la leçon cachée. Parfois je la comprends, parfois non – et c’est très bien ainsi : tout n’a pas besoin d’être expliqué !
Un dernier message
Vous voulez que je partage un conseil ? Le voici : vie ta vie pleinement et va vers les autres.
Regarde-les, parle-leur, tends-leur la main. On a besoin de contact, de chaleur humaine. Aujourd’hui, beaucoup de gens s’enferment dans leurs écrans, dans leurs pensées, et oublient la beauté de la connexion humaine.
Dire bonjour, écouter, partager – voilà ce qui est pour moi la vraie richesse. C’est ce qui fait la beauté de la vie : ces échanges, ces émotions, cette diversité. Si nous étions tous pareils, la vie serait terriblement ennuyeuse !”
