Quand des maraudes jaillit l’amitié (et l’amour) – Livia et Aimé, membres de la Frater’ Nico

20 Nov, 2025 | FAMILLE, SOLIDARITÉS & SOCIÉTÉ, TÉMOIGNAGES

Au fil de maraudes hebdomadaires dans les rues de Paris, Livia et Aimé, membres de la Frater’ Nico, ont découvert une fraternité inattendue avec des personnes en grande précarité. Une relation d’amitié qui a transformé leur vie… et donné une coloration particulière à leur mariage !
Les propos ci-dessous sont extraits de l’interview vidéo.

Livia : aller vers les plus fragiles, avec des motivations diverses

J’avais deux mois de vacances ; je voulais faire quelque chose de constructif. – Livia

Étudiante, Livia avait deux mois de vacances devant elle et l’envie de vivre quelque chose de constructif. Sur la proposition d’un ami, elle part au Liban pour un camp d’été auprès de personnes handicapées, mentales et physiques. Une expérience intense qui la marque profondément et qui, à son retour en France, lui donne le goût de continuer à accompagner les plus fragiles, d’une façon ou d’une autre.

Elle enchaîne alors avec des maraudes au bois de Boulogne. Mais ces dernières finissent très tard. Il lui faut trouver un engagement qu’elle puisse tenir dans la durée.

Or, lors d’un week-end entre amis, elle entend Aimé parler de la maraude de Saint-Nicolas-des-Champs. Et – elle le reconnaît tout sourire – elle s’y engage sans plus attendre, pour retrouver notamment celui qui lui a tapé dans l’œil.

Aimé : appelé là où il n’avait pas prévu d’aller

Je n’avais pas du tout prévu de m’engager auprès des personnes de la rue. – Aimé

Quand on lui demande de reprendre le service de la maraude à la paroisse, Aimé refuse d’abord. « Pas mon truc », pense-t-il. On insiste. Il finit par accepter, au moment même où la Covid oblige les Français à se confiner.

Heureusement, ce service auprès des personnes de la rue bénéficie d’autorisations dérogatoires : les maraudes deviennent du jour au lendemain l’un des rares moments où les jeunes peuvent sortir le soir et se retrouver. Les effectifs explosent alors :

Jusqu’alors, on était une dizaine de bénévoles. Avec le confinement, on se retrouve parfois à 80, 90 volontaires ! On a dû ouvrir un autre soir tellement il y avait du monde.

Au fil des semaines, Aimé découvre que ces moments dans la rue sont précieux ; ce sont des moments où « le masque tombe ».

Ca n’est pas toujours évident de se motiver pour y aller. Mais une fois sur place, on oublie qu’on a un job, qu’on doit rendre une présentation ou autre… On oublie tout. Pendant deux heures, on est vraiment soi-même et pleinement disponible pour l’autre.

Une méthode simple : tisser des liens, dans la fidélité

Le principe était tout simple : toujours le même trajet, toujours les mêmes personnes, pendant des semaines. – Livia

Chaque jeudi soir, des volontaires sillonnent les rues de Paris. Ils distribuent du café ou du thé, mais surtout, ils veulent être là et rencontrer, en vérité, les personnes de la rue. Alors, mois après mois, ils reviennent, encore et encore. Cette fidélité crée des amitiés inattendues.

Et voilà que cela ouvre la porte à l’organisation de week-ends, puis de vacances ; ces jeunes pro et les personnes rencontrées forment dorénavant un groupe d’amis : la Frater’ Nico.

C’est d’abord une expérience humaine, une fraternité nouvelle. – Livia

Aimé : sa première maraude

Aimé n’avait jamais fait ça. Ce premier soir, son trinôme s’occupant de quelqu’un sous une tente, il n’y a plus vraiment de place pour lui ; il reste là, à ne pas savoir quoi faire. Il a l’impression de ne servir à rien. À côté, un homme râle, sans arrêt. Aimé tente une approche : la pire conversation du monde s’engage. L’homme ne cesse de râler dans une spirale infernale. Aimé rentre en lui-même, comment pourrait-il transformer le moment ; il a subitement une illumination : Pardon, je ne me suis pas présentée ! Je m’appelle Aimé, et toi ?

Miguel, c’est le nom du râleur qui cesse subitement de l’être, parait ébranlé. Il répond doucement : Ma fille s’appelle Aimée !
À partir de là, quelque chose change ; un dialogue en vérité s’instaure et, de confidences en confidences, naît une belle amitié. Au point que Miguel demandera à Aimé d’être son parrain de baptême et qu’Aimé lui proposera de devenir son témoin de mariage, ce que Miguel acceptera avec joie.

Miguel est mort il y a quelques mois. Aimé a été le dernier a lui tenir la main avant le départ à l’hôpital.

Ce qui est impressionnant dans cette relation, c’est qu’il n’y a rien eu d’extraordinaire, juste une fidélité à ces cafés partagés des jeudis soirs.

Quand la charité devient amitié

Au début, on y va pour faire une bonne action…
Et puis, un jour, on réalise que l’on reçoit autant que ce que l’on donne et que ça transforme nos vies.
– Livia

Les personnes de la rue ne sont pas dans le temps long ; elles vivent le moment présent avec intensité. Et leur parole va à l’essentiel, sans détour.

Les amitiés avec elles peuvent être exigeantes : crises ou rechutes pour les personnes qui ont des problèmes psychiques, disparitions soudaines et inexpliquées pendant des semaines voire des mois, etc. Ce ne sont pas des relations faciles.

Mais pour Aimé et Livia, rencontrer ces personnes et devenir véritablement amis, a tout changé. Ils pensaient au départ « aider », faire une bonne action, mais ils ont reçu au-delà de ce qu’ils imaginaient. Ces amitiés les ont recentrés, rendus plus vrais, plus simples. Ils ont découvert une joie profonde, une liberté intérieure qu’ils n’avaient jamais connue. Les personnes rencontrées leur ont appris la fidélité, la patience, l’humilité.
Ces amitiés ont unifié leur vie, bousculé leurs certitudes, ouvert leur cœur. Elles ont façonné leur couple, leur manière d’aimer, de regarder l’autre. C’est devenu une source de joie, de vérité et de croissance qui continue à les porter.

Un mariage ouvert et heureux

Pour leur mariage, Aimé et Livia ont longuement discerné avant d’inviter leurs amis de la rue. Ils y tenaient, mais savaient que leurs familles seraient déstabilisées. Ils ont expliqué, rassuré et se sont fait épauler par la Frater’ Nico pour organiser des binômes afin que chacun trouve sa place.
Leurs parents ont fini par choisir la confiance. Et le jour J, la présence de ces amis a apporté une joie immense :

Ces invités particuliers n’étaient pas là comme personnes de la rue, ils étaient là comme membre de la Frater’ Nico.

Personne n’a été mis à l’écart ; au contraire. Et tout le monde a été touché par la joie qui se dégageait de ces rencontres.

Comment commencer à rencontrer des personnes de la rue ?

Pour ceux qui veulent aller à la rencontre des personnes de la rue, Aimé et Livia donnent deux conseils simples :

  • d’abord : ne pas commencer seul. Il faut s’appuyer sur une structure, une paroisse, une association, quelqu’un d’expérimenté.
  • ensuite : entrer en relation avec délicatesse. Par exemple, ne pas s’asseoir trop vite sur leur bout de trottoir – c’est chez eux -, ne pas mitrailler de questions dans les premiers instants….

Comme le résume Aimé :

Il faut juste être là, sans vouloir sauver qui que ce soit. Être ami, et voir ce qui se passe.
Et même si on se trompe, même si on essuie un refus, ce n’est pas grave : l’important, c’est oser la rencontre, dans la vérité et la simplicité.

Recevez tous les mois,

des informations positives, fraîches, inspirantes