L’ours blanc comme sa banquise

17 Oct, 2021 | NATURE & ENVIRONNEMENT

La survie de l’ours polaire, énorme prédateur amphibie, dépend de celle des glaces arctiques. L’élégant plantigrade pourrait-il s’en sortir en s’éloignant du pôle Nord, pour s’approcher de l’homme ?

Tugdual Derville, co-initiateur du Courant pour une écologie humaine : “Je vais m’étendre prudemment sur l’une des bêtes les plus belles, les plus féroces et les plus menacées qui soit : l’ours blanc ! Usrus maritimus, aussi nommé ours polaire est l’un des deux plus grands carnivores du monde. A prédominance carnivore, car il se nourrit un peu de végétaux. Sa peau est… noire, pour absorber la chaleur, et sa fourrure épaisse pour l’isoler du froid. Son poil est en réalité translucide, reflet blanc de la lumière polaire. Les mâles ont une sorte de crinière qui pousse sur leurs pattes de devant, qu’on suppose séductrice. Les plus gros dépassent une tonne et trois mètres de long. La femelle est deux fois plus petite.

Les 25.000 individus que compte l’espèce dépendent de la banquise. Sa fonte près du pôle Nord expliquerait l’amaigrissement des ours blancs constatée depuis des décennies. L’ourse ne va en principe à terre que pour y creuser une tanière sur le versant sud d’une colline et mettre bas.

Victime de la chasse traditionnelle des Inuits mais surtout du réchauffement climatique, notre ours a besoin de glace flottante pour chasser le phoque, sa proie principale. Il repère ses trous de respiration à l’odorat et se gave de sa graisse sans dédaigner celle des morses, voire des belugas qu’il attrape avec ses griffes. Le gros malin cache son approche en camouflant ses narines noires avec ses pattes de devant. Véritable athlète, il court à 50 kilomètres à l’heure. C’est aussi un extraordinaire nageur. D’après la balise dont on l’avait équipée, une femelle a nagé de la terre ferme à la banquise pendant 700 km !

Hélas ! La surface des glaces arctiques en fin d’été s’est réduite de 40% en 25 ans. L’ours blanc risque de disparaitre au cours de ce siècle… Capable de jeuner pendant des mois, il a tout de même besoin d’engraisser avant l’hiver. Faute de phoque, il se rabat sur des œufs au détriment de son équilibre alimentaire. La faim peut pousser l’adulte à dévorer des oursons. Ce cannibalisme s’accroit. Des ours remontent aussi vers le sud, cherchant la proximité des hommes pour se nourrir.

Gare à l’anthropomorphisme ! L’incroyable vidéo d’un ours blanc enlaçant tendrement un chien Huskies attaché à sa chaîne a enflammé la toile en 2016. On dirait deux amis ! Les commentaires émus des internautes louent les câlins partagés par la grosse bête avec plus petit que soi, tout en dénigrant par comparaison les hommes qui ne savent que s’entretuer. Mais on a creusé l’affaire : la réalité est moins douce. Le gardien d’un refuge pour chiens du Manitoba d’où viennent ces images, nourrissait chaque jour les gros nounours. Or, le lendemain de la séance, il a omis de le faire. Savez-vous ce qui advint ? L’ours a dévoré un chien. La veille, en fait de câlins, il aurait simplement flairé son menu. 

La leçon est claire : provoquer une dépendance des bêtes sauvages vis-à-vis de nous, n’est pas un service à leur rendre. Ils doivent se débrouiller. Les naturalistes actuels, contrairement à leurs maitres, ne tentent plus d’entrer en interaction avec les bêtes qu’ils étudient dans leur milieu, pour ne pas les dénaturer. L’Etat du Manitoba a donc déplacé ces ours loin des maisons et décrété que « la protection de l’ours polaire étant extrêmement importante (…) aucune interférence avec son comportement naturel ne sera tolérée ». Chacun son jardin, et les chiens seront bien gardés.” 


Cet article est tiré de la Chronique Des Animaux et des Hommes (14/04/2021), produite et diffusée sur ktotv.

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