Vitaliser son territoire : la Ferme des Gâtines rouges

15 Avr, 2020 | SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN, TERRITOIRES VIVANTS

Philippe Paelinck est néo-paysan à temps plein depuis 2017, sur près de 80 hectares en polyculture / élevage. Il témoigne de son labeur quotidien et de la façon dont cela vitalise son territoire.

Un territoire est une zone géographique que l’on connait et que l’on aime. Connaissance et amour sont les prémices de la sagesse paysanne !

Philippe Paelinck

Agro-écologie, maraîchage, poules, bélier, brebis, chiens, chevaux… La Ferme des Gâtines rouges, implantée à la Chaussée-d’Ivry, en Eure-et-Loir (28), a comme objectif de construire un écosystème non seulement biologique, fait d’espèces végétales et animales, mais aussi social, mutualisant les connaissances, les outils et les relations, grâce, entre autres, à la vente sur place deux jours par semaine.

“En 2011, ma femme et moi avons repris une ferme qui était en agriculture conventionnelle depuis toujours. Nous sommes en train de la transformer en agroécologie, c’est à dire qu’on a arrêté le labour pour cultiver sur un sol vivant et on est passé en bio. On a eu une première moisson biologique en été 2019. Cette ferme est un lieu qui se veut un centre d’accueil, nous avons donc énormément de personnes qui viennent se former à ce type d’agriculture et partager avec nous le labeur paysan.

Nous sommes bien sûr en relations avec les acteurs autour de nous, d’abord les collègues paysans voisins. Beaucoup sont des agriculteurs en conventionnel mais qui regardent avec un oeil bienveillant notre expérience : ils nous donnent des coups de main, on utilise leur matériel, ils nous apportent leurs compétences par rapport à la terre et ils regardent ce que l’on fait. Ca les intéresse vraiment.
On est également en relation avec la commune, à commencer par le maire et toutes les personnes du conseil communal, les personnes des espaces verts, ceux qu’on appelaient autrefois les cantonniers – voilà des personnes qui ont la connaissance et l’amour du territoire ! – Ils nous apportent les déchets verts de la commune qui est en zéro phyto, que nous broyons pour en faire du compost, par exemple.
Nous sommes bien sûr en relation avec des artisans, des commerçants.
Et comme nous avons créé une activité maraîchage, nous avons des ventes à la ferme : de nombreuses personnes qui habitent dans un rayon de 20 km viennent chercher de bons légumes frais chez nous.

Qu’est-ce qu’un territoire pour vous ?

Un territoire est une zone géographique que l’on connait et que l’on aime. Connaissance et amour sont les prémices de la sagesse paysanne ! C’est également un lieu sur lequel on travaille.
Je pense que pour qu’un territoire soit vivant, il y a trois conditions. Qu’il y ait :

  • de la diversité, à la fois biologique, végétale, géographique (vallées, montagnes…), humaine – une diversité de talents et de savoir-faire,
  • de l’interactivité entre les personnes qui s’y trouvent. Que ces personnes vivent de relations, qu’elles puissent dépendre les unes des autres dans leurs activités et collaborer ensemble.

Une progression vers une autonomie. Pas une autarcie, bien sûr, mais qu’il puisse être vivant par lui-même, autonome, afin que les personnes qui y vivent et y travaillent s’en nourrissent au sens propre.

Que faut-il changer pour mieux vivre dans nos territoires ?

Quelque part, au fond de nous, on sent bien qu’on appartient à la terre, physiquement. Je pense que l’homme a besoin aujourd’hui de se re-incarner, de retrouver le contact avec cette terre. Mettre les mains dans la terre, c’est reprendre conscience de son incarnation.
On est dans une société de consumérisme effréné qui ne nous rend pas heureux. On commence à s’en rendre compte. En tout cas, nous voyons beaucoup de jeunes qui passent par la Ferme, souvent des trentenaires qui ont une première expérience professionnelle décevante, avec des boulots dont ils ont perdu le sens. Ils viennent sur la Ferme pour apprendre, remettre les mains dans la terre, se guérir et repartir sur un projet qui ait plus de sens pour eux.
Le mouvement est donc en route mais la machine contre laquelle on se bat est énorme. Nous sommes tous des enfants du pétrole, à commencer par moi, avec une sorte d’impatience qui est ancrée en nous. On doit réapprendre la patience et l’humilité. Et ça, on l’apprend très vite au contact de la nature. On se met en situation de dépendance, une fois qu’on devient agriculteur ou paysan. Dépendance vis-à-vis de ce que la nature et les animaux peuvent nous donner. C’est une dépendance qui nous rend étonnamment heureux.

Un mot pour conclure ?

Réapprenez à faire quelque chose de vos dix doigts qui soit autre chose que de manipuler un smartphone. Réapprenez un métier, un vrai ! Réapprenez à forger un outil en métal, à fabriquer un meuble en bois, une charpente, à tricoter, filer de la laine… ça vous rendra tellement heureux ! Et c’est un vrai atout !”

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance