Optimiser la gestion des espaces verts dans les villes

26 Fév, 2021 | ENVIRONNEMENT, NATURE & ENVIRONNEMENT, SOCIÉTÉ DE BIEN COMMUN

Avec l’émergence de la conscience écologique et de l’importance de préserver la biodiversité, de plus en plus d’agglomérations intègrent un volet environnement dans leurs plans. Terre-pleins centraux fleuris, rond points arborés, trottoirs bordés de jardinières ou plus récemment « forêts urbaines », les municipalités ne lésinent pas sur les moyens pour végétaliser leurs espaces publics.

Soif de vert

Comme nous avons pu l’évoquer dans notre article sur les Fab City, la part de la population mondiale vivant en milieu urbain n’a cessé d’augmenter ces dernières années. À ce titre, l’ONU estime qu’à l’heure actuelle, près de la moitié de la population mondiale vit dans une zone urbaine contre tout juste 30 % en 1950.

En France, la proportion est plus conséquente puisque, selon l’Observatoire des Villes Vertes, près de 80 % de la population vit en milieu urbain. Or, quand on sait que plus d’un Français sur trois n’a pas de jardin alors que 80% d’entre eux souhaitent avoir un contact quotidien avec des espaces verts, la demande de parcs et d’espaces verts municipaux n’a jamais été aussi forte.

Aussi, depuis 2017, la surface moyenne d’espace vert par habitant a progressé de plus de 5m² (51m² en 2020 contre 48m² en 2017), inévitablement lié à l’augmentation du budget moyen par habitant dédié aux espaces verts municipaux. Avec une augmentation annuelle de l’ordre de 1,5€, ce dernier avoisine les 76€ selon l’Observatoire des Villes Vertes.

Une science complexe et précise

La gestion des espaces verts dans les milieux urbains n’est pas chose facile : il ne suffit pas d’implanter des arbres sur les bordures des routes, déployer des jardinières sur le bord des trottoirs ou ensemencer des fleurs dans les ronds-points pour rendre les agglomérations plus « vertes » et réduire les effets de la pollution atmosphérique.  

De fait, Galina Churkina, chercheuse allemande à l’Institut pour les études avancées sur le développement durable (IASS) de Postdam, démontrent que certaines espèces d’arbres peuvent aggraver la pollution dans une ville. C’est le cas, par exemple, des platanes, des chênes ou encore des peupliers. Bien que ces derniers fassent communément partie de nos paysages urbains, ils ont également la réputation d’émettre des composés organiques volatils (isoprènes, terpènes…) en grandes quantités. Ces substances protègent les végétaux : elles les aident à lutter contre la surchauffe et les protègent de nombreux insectes. Mais elles sont néfastes pour la santé humaine : combinées au dioxyde d’azote, ces particules contribuent à la formation d’ozone, favorisant l’asthme et les affections respiratoires.

Seule l’esthétique compte ?

La chercheuse allemande met également en avant l’importance de restreindre, dans la mesure du possible, l’implantation d’arbres pouvant être source de réactions allergiques importantes telles que les bouleaux, les cyprès ou encore les genévriers. En effet, le pollen de ces derniers, combiné aux particules fines présentes en grande quantité dans l’air des agglomérations, s’infiltre très facilement dans les bronches humaines.

Par ailleurs, une attention particulière doit également être portée sur la géométrie et la répartition des espaces boisés.

Ainsi, il ne faut pas uniquement se limiter à l’aspect esthétique des espaces verts, avance Marie-Amélie Cuny, chargée d’études à l’Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (Appa) du Nord Pas de Calais. Il y a bien d’autres bénéfices à en tirer. Une illustration : la plantation de 30 % de la région londonienne permettrait d’absorber uniquement 2.6 % des émissions de particules fines de la capitale anglaise. Ces chiffres montrent donc que plus encore que le pourcentage, c’est la méthode de boisement qui importe.

Par exemple, aligner les arbres permet de créer des lignes paysagères en harmonie avec les trames urbaines, mais cela permet également de faire obstacle au vent et ainsi prévenir la propagation de gaz polluants provenant de routes, usines, parking… Étudier la topologie des sols, l’orientation des vents, la trajectoire des émissions polluantes… sont des paramètres clefs dans la définition des trames vertes.

Se faire aider par des experts

L’Urban Forest Ecosystems Institute en Californie a révélé qu’une densification trop importante de conifères en bordure de route peut empêcher la dissipation des émissions polluantes liées à la circulation, engendrant un taux de pollution particulièrement important au niveau des zones piétonnes… ou comment la bonne volonté est contre-productive quand elle ne prend pas en compte la complexité du vivant.

Pour faire face à ces dérives, de nombreuses associations et collectifs publics ont décidé de construire leur trame verte en partenariat avec des institutions spécialisées. C’est dans cette optique que la communauté de communes du Grand Lyon a mis en place une charte de l’arbre en partenariat avec le blog « Aimons l’avenir ». 

Nouvelles pratiques de jardinage

Trames vertes et espaces végétalisés sont donc de plus en plus travaillés par les villes. C’est ainsi qu’ont émergé des pratiques de végétalisation plus respectueuses de la biodiversité et de l’environnement dont la gestion différenciée (parfois qualifiée de gestion harmonique, gestion raisonnée durable ou encore gestion raisonnable).

L’idée sous-jacente est d’appliquer à « chaque élément du patrimoine (foncier et végétal) un traitement spécifique, avec des niveaux de prestation variables selon la catégorie dont il relève (parc ou jardin), sa fonction culturelle, sociale, biologique, son rôle dans le tissu urbain et la relation que la commune souhaite créer avec le végétal. »

En d’autres termes, la gestion différenciée encourage la pluriculture et le mélange des essences. C’est ainsi qu’émergent des zones de « pousse », des secteurs « bzzzz », des espaces « silence, ça pousse » … les dénominations sont multiples, mais portent toutes sur le même objectif : adapter la méthode d’entretien pour favoriser le développement de la biodiversité urbaine.

Certaines communes vont jusqu’à remplacer ses tondeuses à fioul par des chèvres et “biquettes”, à la grande joie des plus petits.

À Cesson (Seine-et-Marne), par exemple, ces ruminants entretiennent de manière raisonnée les 4 000m² d’espaces végétalisés bordant les bassins de rétention.

Les grandes agglomérations se sont également lancées dans l’aventure. À titre d’exemple, près de 811 hectares soit 15 % de la métropole Rennaise est gérée de manière différenciée, tout comme le parc de la Tête d’Or, emblème lyonnais, ou encore le célèbre parc Balzac, à Angers.

Du bon sens pour limiter les coûts

Même si chaque collectivité gère différemment le budget qu’elle alloue aux espaces verts, la majorité s’accorde à dire que ce dernier représente une part conséquente du budget global des collectivités.

Ainsi, le directeur des espaces verts de la ville de Nancy, Pierre Didier Jean, estime qu’un mètre carré de massif floral coûte à lui seul plus de 200€ par an en semence, arrosage, engrais, salaire des jardiniers…

Pour y faire face, plusieurs agglomérations ont décidé de s’orienter vers des méthodes de gestions alternatives, misant sur le participatif et le « bon sens ».

C’est dans ce cadre que la ville de Nancy a décidé de ne plus jeter à la décharge publique (payante) les feuilles mortes jonchant les trottoirs comme nombre de ses homologues, mais plutôt de déplacer ces dernières dans les espaces verts municipaux (parcs, jardins publics…) où elles se décomposent naturellement.

Le bénéfice final est double : la commune n’a plus besoin de collecter ou traiter ces feuilles et les espaces verts reçoivent quotidiennement du compost de premier cru.

La commune a également mis en place les « mardis aux Serres » lors desquels les riverains peuvent venir aider bénévolement les jardiniers municipaux pour repiquer, replanter, rempoter… les fleurs qui seront par la suite plantées dans les espaces verts de la ville.

Ces ateliers permettent aux Nancéiens d’apprendre gratuitement les bases du jardinage auprès de professionnels qualifiés et à la ville de proposer des végétaux, sans avoir à racheter ses semis.

Via ces méthodes de gestion alternatives, l’agglomération réussit à réduire de plus de 60 % son budget jardinage !

Qui sait, peut-être que votre commune est également impliquée dans ce type de démarches, n’hésitez pas à consulter leurs engagements dans ce domaine pour donner un coup de pouce… vert !


Sources : 

Je soutiens le Courant pour une écologie humaine

 Générateur d’espérance