Sur les chemins du réenchantement #ChroniqueDuMycelium 

7 Sep, 2023 | PHILOSOPHIE

Gérard Langlois Meurinne, psychiatre, psychothérapeute, propose régulièrement une chronique du Mycelium, réflexion axée sur l’écologie humaine. Il propose aujourd’hui les pistes n°19 et 20 de réenchantement du monde.

Malgré les troubles qui agitent notre époque, en moi monte un élan d’émerveillement devant ce que nous offre la vie qui s’incarne en nous, avec des joies mais aussi, inévitablement, des souffrances à traverser et des deuils à faire. Je vis cette sensation comme une invitation à travailler à un monde « plus humain ».

Gérard Langlois Meurinne
Flûte enchantée
La plus célèbre des versions filmées de l’œuvre de Mozart est bien sûr celle d’Ingmar Bergman (cliquer sur l’image ci-dessus pour la découvrir). J’apprécie également celle du grand metteur en scène shakespearien Kenneth Branagh qui nous offre un opéra mis en scène dans le contexte de la guerre de 1914-1918.

Piste n°19 : partons sur les vacance enchantée…

Parfois, de façon inattendue, La flûte enchantée, chef d’œuvre de Mozart, vient me faire signe ; cela « chante en moi », la musique me ravit – à moins que ce ne soit le message universel de Mozart qui me rejoint, un peu comme s’il disait à chacun de nous : Prends ta flûte, mets-toi en route, va vers toi-même et tu trouveras et ta terre et ton peuple !

Mozart nous raconte un voyage initiatique, celui de Tamino affrontant sur son chemin, pour délivrer Pamina, les multiples dangers du feu, de l’eau, de l’air et de la terre, symbolisant ceux que tout un chacun rencontre dans sa quête de sens et de bonheur.
Cependant, Tamino dispose d’une arme secrète qui rappelle les baguettes des fées : sa flûte enchantée qui l’aide à avancer dans sa quête pour rejoindre le royaume de lumière de Sarastro et de ceux qui sont rassemblés autour de lui.

Oublions la référence à la franc-maçonnerie, et soyons sensibles aux symboles universels que suggère cette quête : le son de la flûte de Tamino, tel celui de la lyre d’Orphée, a le don d’enchanter ceux qui l’écoutent. La musique, ce langage non verbal permet de surmonter les obstacles car elle incarne le souffle intérieur qui redonne courage et audace devant l’inconnu, qui permet de développer patience et persévérance, ouverture aux autres, confiance en soi-même sans oublier la foi dans une possible humanisation de la société (on comprend chez Mozart que le salut individuel fait partie d’un dessein plus large : le salut collectif).

C’est ainsi que la « flûte » devient en effet un instrument vraiment « magique », à la disposition de qui lui fait confiance. Alors… si nous emmenions nos « flûtes enchantées » sur les chemins de nos vacances ? Ne les laissons pas dormir dans un tiroir !

L’histoire de Tamino et de Pamina, mais aussi de Papageno et de Papagena, nous suggère que nous avons chacun des dons uniques pour avancer dans nos vies et pour enchanter ou réenchanter le monde : pour l’un ce sera sa générosité et son don ce compassion, pour un autre son humour, ou bien son imagination audacieuse, sa force de caractère, son don d’accueil et de partage, etc.

Autant de dons, autant de sons magiques qui sortiront de nos flûtes… à condition d’oser nous en servir. L’humanité aura toujours besoin de la multiplicité de nos dons pour se déployer et chercher à bâtir un monde meilleur. 

Voici le lien pour la vidéo sur « Les sauvages, forêts paisibles » par l’ensemble « Les arts florissants » dirigé par William Christie.

Piste n°20 : marchons dans la forêt paisible…

Parfois, d’autres musiques s’invitent dans ma tête ; récemment, c’était le fameux air intitulé Les sauvages, forêts paisibles de l’opéra-ballet « Les Indes galantes » par Jean-Philippe Rameau. La musique en est entrainante, assez syncopée, presque jazzy.

Au-delà de son attrait musical original, il est intéressant de comprendre le contexte sociétal de cette œuvre. Rameau vit dans un siècle où le monde s’est en effet « élargi », avec les découvertes des pays et cultures d’Asie et d’Amérique. Des peuples nouveaux ont été peu à peu « reconnus » par les Européens, certains étant conquis et colonisés tandis qu’avec d’autres se sont tissées des relations plus pacifiques.

C’est aussi l’époque où Jean-Jacques Rousseau a popularisé le mythe du « bon sauvage » (trop souvent caricaturé par la suite) : il s’agissait alors de remettre en valeur un homme resté proche de la nature, avec des besoins simples qu’il satisfait localement (il est encore chasseur-cueilleur) et gardant une certaine « innocence », car pas encore déformé par les exigences des sociétés modernes.

L’argument de l’œuvre de Rameau, bien que fantaisiste, est intéressant dans ce contexte : il imagine que la jeunesse européenne de l’époque a délaissé l’amour pour la guerre. Alors les dieux décident d’envoyer les amours vers des contrées lointaines. Rameau invite le spectateur à les « retrouver » au Pérou (terre des indiens des « forêts paisibles », en Turquie, en Perse et en Amérique du Nord.

Alors, nous pourrions aller faire un tour cet été vers des « forêts paisibles » pour rafraîchir notre vision du monde. Nous pourrions nous ouvrir à ce que nous avons peut-être trop négligé de cultiver : un lien de proximité, de respect et d’émerveillement avec la nature qui nous entoure, quelle qu’elle soit. Peut-être montera en nous comme un « chant intérieur » résonant en harmonie avec elle. Osons écouter ce chant et entrer en amitié avec ce qu’il nous dit, en toute simplicité et même peut-être en toute innocence… comme le colibri qui « fait son boulot » devant le danger, quoi qu’il arrive.

Bien sûr il ne s’agit pas d’être naïfs : nous ne reviendrons pas aux temps du « bon sauvage »… sauf peut-être temporairement, le temps des vacances. Mais nous pouvons nous inspirer de lui pour retrouver un lien de complicité avec le monde-nature dans lequel nous baignons.

Piège n°9 : encore raté !

Pour terminer cette chronique, je vous propose un piège qu’il vaut mieux éviter lorsque nous avançons sur nos chemins du réenchantement : le “encore raté”

Cela nous arrive souvent de ne pas atteindre notre objectif, de passer à côté de ce qui est désirable ou de rater ce qui est important. Au-delà de la simple frustration, nous sommes parfois découragés devant notre propre impuissance et devant les obstacles que la vie nous « imposerait ». Cette sensation – souvent disproportionnée au niveau personnel – est souvent vécue, ne l’oublions pas, également au niveau collectif. Et dans ce cas, cela nous incite trop souvent à une démobilisation et une indignation permanente dommageables.

Alors, pourquoi ne pas la tempérer avec un peu d’humour pour que notre déception légitime soit mieux ajustée ?

Cela me fait penser au perroquet dans l’album de Tintin « L’oreille cassée » qui répète à merveille : « Caramba, encore raté ! ».

Mais si nous ne sommes pas en humeur de plaisanter, laissons-nous plutôt inspirer par le Dalai Lama qui confie : « Je ne suis jamais en échec : soit je réussis, soit j’apprends ».


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